Fraternité et slutshaming

J’ai 21 ans. Presque 22. Je suis féministe depuis seulement 1 an. Je ne comprenais pas le principe d’être féministe avant mon entrée à l’université en septembre 2015. Je n’avais jamais été confronté à des situations où les droits des femmes étaient réduits face à ceux des hommes. Mes deux parents étant enseignants au primaire, je n’avais jamais entendu d’histoire où un homme avait de meilleures conditions de travail qu’une femme. L’enseignement au primaire est encore un milieu majoritairement féminin, je n’avais donc jamais entendu mes parents parler de situations où les revendications féministes auraient pu apparaitre.

J’ai, depuis l’automne 2015, quitté le nid familial pour m’installer à Sherbrooke pour les études. Nouvelle ville, nouvelle liberté, nouveaux amis, nouvelles expériences. Bref, c’est une nouvelle vie pour moi! Méga excitant, mais méga stressant. Je laisse mon copain de l’époque quelques semaines à peine après le début des cours pour une multitude de raisons, dont, le désir d’explorer ma nouvelle liberté. 

Qui dit découvrir ma liberté dit découvrir ma liberté sexuelle. Cette découverte m’a amené à comprendre pourquoi le féminisme existait. Pourquoi des femmes avant moi se sont battues pour avoir le droit à la contraception. Pourquoi des femmes se battent encore pour le droit à l’avortement. Pourquoi les femmes crient à l’injustice lorsqu’elles se font juger sur leur « nombre » de partenaires sexuel. J’ai compris que j’étais passé à côté de quelque chose d’important pendant trop de temps. 

J’ai commencé à lire des essais féministes, à me présenter à plusieurs conférences qui se donnaient à l’université ou au CÉGEP de Sherbrooke. J’ai beaucoup appris. J’ai beaucoup parlé. J’ai beaucoup grandi. Par contre, j’ai beaucoup ragé. Rager devant les injustices qui se passaient sous mon nez sans même que je le remarque. Rager face à des situations de la vie courante que je trouvais maintenant inacceptables. Rager devant mes amis de sexe masculin qui continuent à faire des blagues, ou des calls de mauvais gout à l’égard des femmes. 

Cette année, je me mets en colère la plupart du temps, devant les propos tenus par des “amis” qui désirent faire partie d’un groupe sélect de garçons. Lorsqu’ils ont créé ce groupe, je riais un peu dans ma barbe en me disant, voyons, on n’est pas aux États-Unis, ça aucun rapport d’avoir une organisation de ce genre à Sherbrooke… ! Je me suis trompée ! Je ne savais pas qu’il y avait autant de garçons prêts à tout faire pour entrer dans un groupe « d’amis ». Je mets ici le mot amis entre guillemets puisque je ne sais pas à quel point ces gars-là sont amis. Bref, à la suite de discussions avec plusieurs futurs membres, je me suis rendu compte qu’ils connaissaient tous trop de détails sur ma vie amoureuse et sexuelle. Comment les nouveaux de première année connaissent mes histoires qui se sont passées il y a plus qu’un an ? Pourquoi Mathieu (nom fictif) sait que j’ai embrassé Anthony (nom fictif) en novembre 2015 ? J’ai eu un énorme pincement au cœur quand j’ai su que ma vie sexuelle avait été étalée comme ça lors de discussions entre “amis” et que maintenant tout le monde connaissait chacun de mes secrets.

À l’automne 2016, je suis allé à une conférence donnée par Koriass et Véronique Grenier, qui sont les porte-paroles de la campagne Sans oui c’est non. Le sujet de la conférence : le Gentleman’s club. En d’autres mots, les privilèges accordés aux hommes pour la simple raison qu’ils sont nés avec un pénis. Sans le savoir, Véronique Grenier m’a ouvert les yeux sur le problème que j’étais victime : le slutshaming. Je dis que je suis victime de cela, mais je dois avouer que je connais six ou sept filles dans mes connaissances proches à l’université qui sont victimes du même traitement que moi. Le but du slutshaming est très simple : on s’acharne sur une fille qui a eu plusieurs partenaires sexuels différents pour ainsi la faire passer pour une pute, une fille facile. 

Si mes amis de sexe masculin pouvaient, eux, fréquenter plusieurs filles en même temps, ou coucher avec plusieurs filles différentes dans un court laps de temps, moi, je ne pouvais pas. Moi j’étais considéré comme une pute. La fille facile du BAC. C’est pour me battre contre cette appellation que je suis fière de le dire haut et fort : je suis féministe. 

Je suis féministe pour me battre contre une culture du viol de plus en plus présente dans nos vies. Je suis féministe pour faire changer les mentalités encore trop fermées des gens qui m’entourent. Je suis féministe pour que les élèves de deuxième secondaire à qui j’enseigne comprennent qu’une femme doit être respectée, peu importe les choix qu’elle fera dans sa vie. Je suis féministe pour que les clubs réservés strictement aux garçons arrêtent de juger les femmes qui font partie de leur vie. Je suis ouvertement féministe, car j’ai le droit d’être librement moi. 

5 Comments

  • Max
    28 mars 2017

     »Je n’avais jamais été confronté à des situations où les droits des femmes étaient réduits face à ceux des hommes. » Les femmes sont devenues largement majoritaires à l’université et privilégiées au niveau des subventions. Depuis longtemps que les hommes dans les médias sont représentés comme des sous-hommes, stupides, cocus, niaiseux, faibles. Ils devraient juste faire des métiers manuels, laisser l’université aux femmes. La propagande féministe que subissent les garçons au primaire jusqu’à l’université n’est que de la discrimination positive envers la femme. Le primaire change les garçons en de vrais petits robots pro féministes et pro multiculturalistes. Vous tentez de réécrire l’histoire.

    Et le  »slut shaming », tout le monde s’en fiche des filles qui couchent de droite à gauche. Même que ça fait le bonheur de bien des machos,  »womanizers » en quête de chair facile.

    Je vais lancer une hypothèse. Serait-il possible que la promesse de disposer de son corps s’est transformé en la réponse aux besoins des pulsions sexuelles des hommes? Et si le féminisme serait indirectement la cause de la culture du viol? Et si le féminisme serait utilisé par des hommes puissants dans le but de sortir la femme du foyer et la transformer en payeuse de taxes et consommatrice compulsive?

    Mon amoureuse a dit: » Je me sens bien plus libre avec toi en couple que de servir de remonte-ego et vidoirs à plusieurs types d’hommes.

    Bref comme la culture du silence règne en force chez nos chères féministes (vous n’avez rien fait contre les viols de masse commis par des migrants africains et maghrébins en Allemagne), mon commentaire va être effacé.

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  • Marie
    28 mars 2017

    (ignore délibérément le commentaire limite raciste et sexiste qui sera effacé) Chère correspondante d’un jour, merci pour ton témoignage honnête de ta réalité. C’est vrai que nos jours, on devient souvent féministe plus tard (mais pas toujours), car on est peut-être moins confrontées au sexisme que les générations qui nous ont précédées. Je comprends tout à fait ton désarroi devant l’attitude de tes  »amis » masculins. Le slutshaming est trop souvent répandu et réduire une femme à sa sexualité ne devrait pas exister.

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  • Audrey
    28 mars 2017

    Premièrement, bravo à l’auteure du texte. En effet, il n’est jamais trop tard pour s’intéresser aux luttes, dont celles qui nous concerne! Moi-même je n’ai commencé à m’y intéresser qu’il y a deux ans environ. L’important est de conserver cette soif d’apprendre et cette ouverture aux souffrances des autres autour de soi. 🙂

    Deuxièmement :

    Cher Max, je me permets de tenter une réponse, bien qu’il soit possible qu’elle ne reçoive pas un bel accueil :

    Vous dites que « Les femmes sont devenues largement majoritaires à l’université et privilégiées au niveau des subventions. » Effectivement, le nombre de femmes accédant aux études supérieures a bondi ces dernières années puisqu’il était minime il y a à peine 30-40 ans. Dans certains domaines, elles sont effectivement majoritaires, comme c’est le cas pour les hommes dans certains domaines. Ne faudrait-il pas se réjouir que l’accès aux études supérieures se soit démocratisé? Lorsque vous dites que les femmes sont privilégiées au niveau des subventions vous faites référence à quoi exactement? Les bourses de recherche? Les bourses de conciliation études-famille?

    Vous dites également que « Depuis longtemps que les hommes dans les médias sont représentés comme des sous-hommes, stupides, cocus, niaiseux, faibles. »
    Faites-vous référence au monde de la publicité? Effectivement, je suis d’accord avec vous que la représentation des genres est très souvent stéréotypée et blessante dans ce milieu et ce, autant pour les hommes que pour les femmes. Il serait intéressant de se pencher sur la composition des équipes de création publicitaire avant de lancer le blâme à quiconque et surtout, de réfléchir à qui sont les clients de ces publicitaires qui bénéficient de ces mensonges véhiculés. Concernant les autres médias, j’aurais de la difficulté à vous donner raison vu la majorité de journalistes, chefs d’antenne et animateurs masculins.

    Vous dites : « Ils devraient juste faire des métiers manuels, laisser l’université aux femmes. La propagande féministe que subissent les garçons au primaire jusqu’à l’université n’est que de la discrimination positive envers la femme. »
    Je ne sais trop quoi répondre à cela puisque je n’arrive pas à voir sur quelles bases vos propos sont tenus. Il me semble qu’au contraire, on encourage de plus en plus les femmes à exercer des métiers traditionnellement masculins dits plus manuels. Lorsqu’un groupe est oppressé, on peut difficilement parler de « propagande » ou de « discrimination positive » puisqu’on cherche surtout à rétablir un équilibre entre un groupe oppressé et un groupe oppresseur. Un groupe oppressé peut être défendu, mais non privilégié.

    Vous dites ensuite : « Et le »slut shaming », tout le monde s’en fiche des filles qui couchent de droite à gauche. Même que ça fait le bonheur de bien des machos, »womanizers » en quête de chair facile. »
    Si vous êtes effectivement un homme, il me semble difficile de vous accorder une crédibilité lorsque vous banalisez une situation qui ne vous affecte pas. Vos propos semblent davantage refléter votre propre vision du phénomène, ce qui ne peut constituer un échantillon représentatif des difficultés vécues par les femmes qu’on « slut-shame ».

    Vous terminez par une hypothèse qui semble farfelue :

    « Je vais lancer une hypothèse. Serait-il possible que la promesse de disposer de son corps s’est transformé en la réponse aux besoins des pulsions sexuelles des hommes? Et si le féminisme serait indirectement la cause de la culture du viol? Et si le féminisme serait utilisé par des hommes puissants dans le but de sortir la femme du foyer et la transformer en payeuse de taxes et consommatrice compulsive? »

    D’abord, beaucoup de choses : mêler la libération sexuelle issue d’une montée du féminisme à la culture du viol et à la société de consommation me semble grandement exagéré comme dérapage. Intéressant que vous tentiez de mettre la responsabilité de la culture du viol sur le dos des femmes qui en sont pourtant les premières victimes. Je ne vois aucunement en quoi cela a du sens, à moins d’être partisan des théories du complot et d’imaginer que les femmes ne peuvent décider de la direction du mouvement féministe et seraient en fait des victimes instrumentalisées du patriarcat.

    Je m’arrête ici. On dit souvent « don’t feed the troll », moi je dis « listen to the troll and you’ll prove him wrong ». En passant, votre commentaire n’a toujours pas été effacé, ne vous en déplaise.

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    • Pop
      28 mars 2017

      Petite clarification, en 2015 au Québec, c’était 25% des hommes en age de travailler qui possédaient un diplôme universitaire, comparativement a 40% pour les femmes, et l’écart ce creuse a chaque année.Donc les femmes sont majoritairement bénéficièrent des bourses d’études…

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      • Audrey
        28 mars 2017

        Je ne suis pas certaine de bien saisir votre point. Vous faites référence au programme des prêts et bourses du gouvernement? Si oui, je ne vois pas en quoi le genre y change quoi que ce soit. Peut-être me manque-t-il certaines informations? Dans ce cas-ci, il vous fera sûrement plaisir d’expliciter ce que vous avancez.

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