Petite recette de la culture du viol

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Petite recette de la culture du viol

  • Seulement 10% des agressions sexuelles sont rapportées à la police;
  • Seulement 2% du 100% de ces 10% est non fondé comme pour n’importe quel autre crime;
  • Souvent, c’est à la victime qu’on fait le procès, à elle qu’on ne pardonne pas d’être tombée amoureuse de son agresseur, ou dépendante des drogues qu’il lui procurait, ou simplement d’être sortie seule, ou tard, ou maquillée, ou vêtue d’un décolleté;
  • Les peines imposées aux agresseurs sont mineures.

Faut-il s’étonner s’il y a moins de condamnations contre les agresseurs sexuels que de fausses plaintes signalées ?

Ça, c’est le résultat d’une bien médiocre recette dans laquelle nous baignons toutes : la petite recette de la culture du viol! *

 

Cuisiner une base de normalisationbof

  • Arroser de BLAGUES SEXISTES« SAIS-TU COMMENT T’APPELLES ÇA, UNE FEMME QUI A RÉUSSI? UNE PUTE! »

Ton grand-père « n’en rate pas une » pour rire des femmes au travail, des femmes au volant, des femmes tout court. Dès l‘âge de 6 ans, les fillettes ont acquis la fausse croyance voulant que les garçons sont plus intelligents qu’elles. Tu l’as peut-être toi aussi au fond de toi. Inconsciemment. Alors quand tu entends ton grand-père ou un animateur de radio tenir ce genre de propos, tu ne t’en formalises pas tellement.

  • Faire dorer LES MYTHES POPULAIRES« LES GARS, C’EST LEUR CORPS, NOUS AUTRES, NOS ÉMOTIONS. »

Ton amie t’a dit ça l’autre jour. Comme ça, c’est toi qui va être compréhensive quand ton chum va vouloir coucher avec toi même si t’en n’as pas envie. « T’auras qu’à te laisser faire le temps que ça passe pour lui faire plaisir ».

  • Garnir de BLAGUES D’AGRESSIONS SEXUELLES « FAIS PAS TA FAROUCHE, METS-LA DANS TA BOUCHE. »

Tu te dis que c’est pas grave, qu’en général ce gars-là est gentil. Tu te dis que c’est normal, que vous êtes dans un party et qu’il a bu plus que les autres. Tu te dis que c’est toi qui manque d’humour de ne pas trouver ça drôle…

  • Assaisonner de RÉVÉLATIONS DE DÉTAILS INTIMES « CAROLINE SUCE MIEUX QUE MA BLONDE! »

Tu attends dans la salle d’attente d’une clinique médicale quand tu entends ça. L’idée de créer un scandale ne te tente pas. N’empêche… Caroline et la blonde du gars n’avaient pas invité tout ce monde dans leur intimité.

  • Ajouter un zeste de CULPABILISATION DES VICTIMES « C’EST UNE AGACE! »

C’est ce que ta voisine pense d’une victime d’agression sexuelle. Pourtant, qu’elle soit vierge, escorte, mineure, retraitée, nue, habillée, sobre, intoxiquée, seule, entourée, heureuse, désespérée, pauvre, riche, dépendante, autonome, blanche, noire, autochtone, handicapée, etc., PERSONNE n’a le droit d’agresser sexuellement une femme.

  • Faire bouillir dans des ATTOUCHEMENTS NON CONSENTIS « DONNE UN BISOU À MATANTE! »

Tes parents te disaient toujours ça quand t’étais petite. Aujourd’hui, tu te rends compte que tu le fais avec tes propres enfants. Pourtant, le toucher, c’est pas ton sens premier. … Ne demande pas à tes enfants d’avoir des contacts physiques avec autrui s’ils n’en ont pas envie. Respecte leur volonté afin qu’ils sachent tôt ce qu’est le consentement.

  • Brasser dans des IMAGES « C’EST NORMAL DE LA PORN DANS DES PLACES DE GARS! »

Pas de chance : ta voiture fait des siennes sur le chemin du retour et ton garagiste est en vacances. Tu t’arrêtes donc à un petit garage du coin, et profite du temps de la réparation pour admirer le panorama de jeunes femmes aux seins nus dont les images tapissent les murs.

  • Laisser sur le feu de la LGBTQ PHOBIE « LES LESBIENNES, C’EST JUSTE DES MAL BAISÉES. »

Ton ancien coloc a toujours des remarques de ce genre. Que ce soit de façon détournée ou carrément insultante, ce type de phobie est encore grandement banalisé dans nos sociétés; la récente sortie du livre « La fin de l’homosexualité et le dernier gai» de Éric Duhaime en est une bien triste démonstration.

 

Épaissir de dégradation et harcèlementmenace

  • Badigeonner de DICK PICS « JE DOIS ÊTRE TROP SEXY SUR MA PHOTO DE PROFIL… »

Tu viens de recevoir la photo des organes génitaux d’un inconnu. Tu supprimes immédiatement la photo de ta boîte de réception et essaie de passer à autre chose… Puis tu finis par changer ta photo de profil sur les réseaux sociaux pour un coucher de soleil.

  • Farcir de HARCÈLEMENT SUR LA RUE « RESTES-TU LOIN? »

Il te suit. Même si tu as fait semblant de ne pas le voir quand il t’a matée de la tête aux pieds il te suit. Même si tu l’as ignoré quand il t’a sifflée il te suit. Même si tu as accéléré le pas pour le décourager il te suit. En ce moment, tu as la terrifiante sensation qu’il te poursuit.

  • Faire sauter dans du REVENGE PORN « TU VAS ME PAYER ÇA! »

C’est la dernière chose qu’il t’a dite avant que tu ne quittes son appartement. Avant que tu le quittes, lui. Et depuis, il te fait du chantage sur les réseaux sociaux. Il monte tout votre entourage commun contre toi. Mais voyant que tu ne plies pas il vient de sortir l’arme ultime : diffuser sur Youtube l’une de vos relations sexuelles…

 

 

Battre d’agressions à caractère sexuelagressions

  • Mélanger le tout avec des BAISERS NON CONSENTIS « VENEZ ME RENCONTRER À MON BUREAU. »

Il t’a laissé une note à la fin de ton travail et tu es flattée qu’un si éminent professeur ait envie de discuter avec toi… Jusqu’à ce qu’il referme la porte derrière toi et t’embrasse de force.

  • Cuire sur des ATTOUCHEMENTS SEXUELS NON CONSENTIS « NON! »

Tes amies sont loin et ne voient rien de ce qui se passe. Elles s’imaginent peut-être même que tu es contente d’être tombée dans l’œil de ce gars-là. Sauf que tu ne l’es pas. Il t’a entraînée derrière la salle de concert. Y a tellement de bruit… Il met ses mains dans ton pantalon… On dirait qu’il n’entend pas que tu dis « Non! » …

  • Gratiner d’un VIOL « ÇA SE PEUT PAS, C’EST MON CHUM! »

Ton chum insiste trop à ton goût, et tu te demandes parfois si tu ne fais pas l’amour dans le seul but de lui faire plaisir. Tu te surprends même parfois à lui prodiguer des caresses sans en avoir envie uniquement pour qu’il éjacule plus vite et te laisse enfin tranquille.

  • Couvrir d’INCESTE « TIENS-TOI LOIN DE PÉPÈRE! »

On te l’a peut-être déjà dit. Ou à ta mère. Tes tantes aussi. Parce qu’encore aujourd’hui, quand on sait qu’il y a un agresseur sexuel potentiel dans les parages, c’est aux victimes qu’on demande de prendre des précautions. Même lorsqu’elles sont des enfants.

  • Saupoudrer de MEURTRE « IL L’AIMAIT. C’EST UN CRIME PASSIONNEL. »

Un couple que tout le monde disait heureux, amoureux. On parle du meurtrier comme d’une victime; après tout, elle l’avait cherché en le trompant avec son meilleur ami, lui n’a commis pour crime que de l’aimer. C’est peut-être le pire oxymore du monde : crime passionnel. On ne tue pas par amour. On tue par désir de dominer l’autre.

  • Servir le FÉMINICIDE ICI, COMME AILLEURS

Avec la politique des naissances en Chine, le favoritisme de genre en Inde, les viols et meurtres en série au Mexique, les milliers de femmes autochtones disparues ou assassinées au Canada, on réalise qu’encore aujourd’hui, être une femme, c’est difficile. Et si l’on est une femme qui est de surcroit racisée et/ou handicapée et/ou autre synonyme de minorité, la vie est plus difficile encore.

 

Ce que tu peux faire :

  • Élever tes enfants sur des principes d’égalité;
  • Mettre tes limites;
  • Croire les victimes;
  • Signaler le harcèlement, les menaces et les agressions;
  • Demander:
  1. Le retour de cours d’éducation sexuelle dans les écoles;
  2. Que des campagnes de sensibilisation aux notions de consentement soient offertes dans les écoles et les milieux de travail;
  3. Que les lois soient revues de sorte que les victimes ne soient plus traitées comme des accusées;
  4. Qu’un soutien psychologique, physiologique et financier soit assuré pour les victimes d’agressions sexuelles.

 

Il est plus que temps et nécessaire de procéder à un examen de conscience individuel et collectif, mais commençons déjà par reconnaître ceci : la culture du viol n’est pas un mythe, elle fait partie de notre quotidien.

 

* Je tiens à remercier Julie Tremblay de l’organisme Viol Secours de Québec pour les informations sur la culture du viol ainsi que le Comité des femmes de la CSN pour les idées de solutions. Vous êtes inspirantes mesdames : merci!

3 Comments

  • Monique
    20 avril 2017

    C’est bien dit, tout est vrai. C’est exactement ce que la femme vit, elle est utilisée pour beaucoup d’hommes comme un objet sexuel de consommation dont ils peuvent disposer à volonté. La femme victime d’agression sexuelle n’est pas entendue et respectée dans notre société. C’est alors qu_elle se retrouve seule au combat, incapable de se faire défendre pour le respect de ses droits humains, contre les injustices qui lui ont été faites par ses agresseurs sexuels, la victime est repoussée par les décideurs de notre société, par des personnes qui contrôlent les médias et par celles qui ont du pouvoir sur ces mêmes médias. Et, de plus, elle est trop souvent abandonnée par ses proches qui préfèrent prendre la part de l’agresseur sexuel incestueux. C’est ça le sort de la femme victime d’agressions sexuelles dans à notre belle société. Je n’en veux plus de cette société injuste, la femme est un être humain à part entière qui a sa place dans notre société et elle doit être respectée et protégée.

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