Des mots et des valeurs

Pierre-Vidal Naquet, historien et sociologue français, a dit : « Les mots ne sont pas que des mots ; ils dénotent des valeurs. »   Derrière cette toute petite phrase se cache, selon moi, une des plus belles vérités du monde : tout ce que nous pouvons dire, reflète bien qui nous sommes. Les termes sexistes et dégradants que certains aiment bien reflètent certainement la personnalité de certaines personnes.

Un exemple de mot qui dénote des valeurs : je n’ai jamais entendu une de mes amies dire qu’elle avait fourré un homme, mais pour mes amis masculins, c’est normal d’utiliser ce terme, parce que, pour eux, c’est normal qu’une fille se fasse fourrer. Ça veut dire quoi pour vous « fourrer quelqu’un » ? En parlant avec plusieurs camarades de l’université, j’ai souvent reçu la même réponse qui me donne mal au cœur. « Fourrer quelqu’un c’est faire l’amour sans l’amour. » Donc, fourrer c’est un terme qui est positif ou négatif ? « Faut pas le prendre au premier degré, mais c’est dégradant, c’est comme si je parlais d’un animal, ou comme si la fille que j’ai fourrée, était mon trophée, quelque chose que je peux montrer à mes chums de gars ». Un autre ami m’a déjà dit : « Fourrer c’est toujours dégradant ou négatif pour la personne qui le subit, mais fourrer peut valoriser la personne qui le fait. » Cela revient à dire que la femme n’est là que pour fournir son vagin à l’homme qui a un désir et qui a doit l’assouvir le plus rapidement possible.

J’ai de la difficulté à concevoir comment ces amis, qui sont tous dans la vingtaine, et qui sont de futurs enseignants, pourront enseigner à leurs élèves qu’est-ce que la culture du viol, le slutshaming ou du consentement, bref, leur enseigner de saines valeurs concernant leurs habitudes sexuelles ainsi que leurs comportements face aux femmes. En plein débat concernant le rôle des enseignants dans l’éducation sexuelle des élèves du primaire et du secondaire, je trouve que la réflexion vaut la peine d’être posée.

Après deux ans à tester un projet pilote d’éducation à la sexualité dans une quinzaine d’écoles du Québec, le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a affirmé au début avril qu’il n’y aura pas l’implantation d’un cours de sexualité obligatoire au programme de formation de l’école québécoise en septembre 2017. Ce projet pilote ne prévoyait aucune formation obligatoire pour les enseignants et n’imposait aucun sujet d’étude. Il en revenait donc aux enseignants de choisir les sujets qu’ils allaient aborder avec leurs classes. On se demande alors comment les enseignants, selon leurs différentes valeurs et leurs différentes croyances, seront en mesure d’enseigner la sexualité aux élèves. Le gouvernement du Québec maintient donc sa position pour l’année scolaire 2017-2018, ce sont les enseignants, s’ils le désirent, qui devront éduquer leurs élèves à la sexualité.

Si le gouvernement ne change pas sa vision de l’éducation sexuelle, elle restera à l’image de ceux et celles qui l’enseignent, donc souvent déplacée, maladroite, taboue ou inexistante. Elle sera aussi à l’image des enseignants n’ayant que peu de respect pour leurs amies et les femmes de leur entourage. Les jeunes du secondaire devraient être au courant que le terme « fourrer quelqu’un » ne devrait pas être utilisé. Que ces deux petits mots dénotent des valeurs péjoratives envers les femmes. Qu’aucune adolescente ne devrait consentir à se faire fourrer, qu’elles ont le droit de dire non, et qu’elles devraient se battre contre ses mots qui font mal.

Alors, devrions-nous avoir un cours de sexologie au fil de notre formation en éducation ? Selon moi, tous les futurs enseignants du Québec devraient être en mesure d’expliquer qu’est-ce que la culture du viol, de donner aux élèves des informations sur la prévention des MTS ou des grossesses, et bien sûr, être en mesure de gérer des situations de crise. Par contre, jusqu’à ce que le gouvernement nous donne les ressources nécessaires pour enseigner la sexualité à nos adolescents, plusieurs intervenants pourraient nous venir en aide. Des sexologues sont formés pour intervenir auprès des jeunes, par contre les écoles ont de moins en moins de budget pour les engager. Ces professionnels devraient former les enseignant(e)s québécois, en leur donnant des pistes d’approche sur les différents sujets qui devraient être abordés selon l’âge des élèves.

Je crois que les hommes ont autant leur place que les femmes dans l’enseignement de la sexualité, par contre, donnons-nous les chances d’être formés adéquatement, pour ainsi pouvoir donner la meilleure éducation sexuelle possible aux adultes de demain.

 

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