Comment s’approprie-t-on l’eau-tre ?
Les Marie-Angélique sont un collectif qui aborde les réalités des femmes noires à Montréal. Chacune expose ici son point de vue personnel en réaction aux discussions récentes sur l’intimidation que vivent les femmes qui s’expriment sur la place publique.Voir ici le texte de Marie-ANGÉLIQUE. Suivez notre collectif sur Facebook @MJAngelique.
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Comment s’approprie-t-on l’eau-tre ?
– par MARIE-angélique
Dernièrement, à une assemblée politique où j’étais, on se posait la question : Si, ou lorsque, le Québec deviendra un pays, devrait-il être un pays sans armée? “On” comme je l’ai appris dans ma jeunesse exclut la personne qui parle. Eh bien, “on” y a aussi dit que si le Québec avait une armée plus armée que la Sûreté du Québec, il faudrait qu’elle se défende et il semble bien que le seul pays contre lequel “on” pourrait un jour avoir à se défendre, serait… les États-Unis.
Jack pot
Maintenant, comment s’approprie-t-on le bien d’un autre? Imaginons que ce méga monstre politique et économique ait un œil sur une ressource prise pour acquis ici : l’eau. Pensons à l’eau de trop dans chacune de nos douches, à l’eau utilisée pour faire pousser l’asphalte, à l’eau souillée par Denis Coderre, à l’eau d’Hydro-Québec, à l’eau qui a avalé nos maisons dans plus de 160 municipalités, aux trois bouteilles réutilisables et le pot masson remplis d’eau que j’ai oubliés sur mon bureau cette semaine et que j’ai bêtement vidés pour les remplir à nouveau d’eau parce qu’il faisait enfin chaud. L’eau, l’or limpide et abondant du Québec.
Supposons que les États-Unis voit notre eau comme une belle opportunité d’affaire parce qu’ils sont deux coches plus bas que le Québec en approvisionnement d’eau douce. Et que notre eau douce leur permettrait d’enrichir leur économie en en devenant l’exportateur principal. Pour ce faire, il faudrait avoir accès à notre eau. Pour ce faire, il faudrait probablement se l’approprier.
Comment s’approprie-t-on un bien ? Et si les États-Unis s’appropriaient l’eau du Québec, est-ce qu’ils s’y prendraient de la même façon que les britanniques et français ont pris possession de la terre autochtone et de ses ressources ?
De notre douillet monde occidental, on peine à y croire… On ne peut pas vouloir faire la guerre aux gentils Canadiens! Et si les États-Unis pouvaient dépeindre les québéco-canadiens comme des paresseux, des malins, des voleurs, des sous-humains primitifs, des sales, des terroristes, si par exemple au moment de l’élection de Pauline Marois, les États-Unis avaient parlé de l’ascension à la souveraineté comme d’un agenda nazi, qu’est-ce que le reste de la planète aurait pensé? Comment Madame Marois serait perçue à travers le monde? Et si les québécois se débattaient pour conserver leur eau? L’occident serait-il offensé ou comprendrait-il plutôt que les États-Unis le protègent de la menace québécoise ?
L’appropriation culturelle c’est l’enfant de la colonisation, ou son clone confectionné à la réalité des temps modernes.
L’appropriation culturelle c’est l’enfant de la colonisation, ou son clone confectionné à la réalité des temps modernes. En tant que pays riches de ressources, nous sommes condamnés au mauvais sort de la boulimie économique des pays infertiles. Tout comme le Québec ne se révolte pas de la soif aride qu’ont les pays étrangers envers son eau, les pays dominés ne peuvent pas comprendre la soif de l’autre tant et aussi longtemps qu’ils ne deviennent pas assoiffés eux-mêmes. Par force.
Quand on ne vit pas quelque chose, il est facile de ne pas croire en son existence, il est aussi facile d’en croire les ouï-dire. Ce qui permet de conserver son confort tout en se sentant informé sur un sujet qui nous est exotique. On se sent ouvert parce qu’informé. Les pays dominés avant d’être pillés et violentés ont ce vilain privilège, celui de ne pas voir la fin de leur privilège. La fin de leurs ressources. Et de la faim insatiable des dominants, ils perçoivent une curiosité, un intérêt qu’ils croient flatteurs. Mais cet intérêt lui, cette « dette » préméditée, devient possessive, voire agressive. Avant de la frapper, un abuseur a d’abord caressé sa victime, caressée jusqu’à la flatterie. Les dirigeants de ces pays dominés sont courtisés.
Maintenant, imaginons un monde où le Québec ne contrôle plus son eau. Un monde où il est exploité par des corporations qui tiennent les dirigeants du Québec en laisse. Un monde où toute révolte québécoise pour se réapproprier son eau est menacée par une attaque militaire étatsunienne. Un Québec où l’insécurité politique est insoutenable. Un monde où les États-Unis, le pays fort, a les moyens de dépeindre à travers le monde et ses médias une image négative des québécois. Un monde où le reste du monde se fout de ce qui arrive aux québécois parce que de toute façon, ils sont des voleurs, des moins que rien, des analphabètes, des violents, des sales parce qu’ils n’ont pas d’eau… Imaginons un monde où les québécois ont honte de dire qu’ils sont québécois. Où les nouvelles générations qui ont grandi aux États-Unis parce que leurs parents ont réussi à fuir le Québec pour offrir la sécurité à leurs enfants, essaient d’effacer tout ce qui est de québécois en eux pour survivre socialement. Parce qu’ils ont vécu de l’intimidation dans leur enfance quand on a découvert qu’ils étaient québécois.
Un monde où aller au Québec est un voyage vraiment cheap, où on peut se payer un tout inclus à Matane pour aller voir les baleines pour $ 250 USD. Et qu’un États-Unien un jour dans son voyage de Spring break a découvert le rigodon et en fait des vidéos tutoriels de danse sur Youtube. Un autre, la poutine. Un monde où aux États-Unis, une personne devient milliardaire parce qu’elle a développé la recette de la poutine. Oui développé. Qu’un autre fait des remix house de rigodon. Qu’une équipe américaine de football s’appelle “the Duplessis kids”. Imaginons que tout ceci se passe avec l’accord et les encouragements du Rest of Canada.
Imaginons un monde où l’États-Unien moyen s’enrichit grâce à son exploitation personnelle de la culture québécoise et que dans ce même monde, les Québécois restés au Québec ou enfuis aux États-Unis vivent dans une pauvreté insoutenable parce que le monde entier les voit comme des sous-humains et ne leur fait pas confiance comme employé, locataire ou partenaire.
Comment les Québécois s’en sortiraient? Qui les écouterait quand ils expliqueraient au monde l’injustice qu’ils vivent? Que leur dirait-on?
C’est un échange culturel! Soyez contents! On célèbre votre culture!
On… exclut la personne qui pleure.
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