Grossesse VS maladie mentale. Il faut qu’on cause. #BellCause

Depuis 2012, je vis avec un diagnostic de trouble d’anxiété généralisée (TAG, pour les intimes). Depuis peu, je suis enceint.e. Je remarque l’énorme différence de traitement que je reçois selon que quelque chose est attribué à ma grossesse ou à ma santé mentale. Il est temps qu’on en cause.

 

D’abord, la première semaine où j’ai su que je portais un embryon, j’ai également eu ma première vaginite à vie et des crampes abdominales avec légers saignements. On m’a fait trois différents tests à l’hôpital, dont une échographie. On m’a prescrit trois prises de sang au cours de la semaine. On m’a donné un rendez-vous la semaine suivante pour un suivi d’échographie. On m’a écouté.e. On m’a pris.e au sérieux. Tellement, que j’ai paniqué, j’avais l’impression d’avoir quelque chose de grave. Quand je l’ai vue au cours de la semaine, ma médecin de famille m’a beaucoup calmé.e et m’a expliqué que le personnel médical avait simplement voulu voir toutes les options et trouver la preuve que ma grossesse allait bien.

 

J’étais tellement habitué.e qu’on ne m’écoute pas, qu’on gribouille n’importe quelles notes et que la seule question qui compte soit « Avez-vous des pensées suicidaires, oui ou non? Si la réponse est “non”, retournez chez vous et sacrez-nous patience » que j’ai été sous le choc qu’on soit aussi prévenant à mon égard. C’est quand même beaucoup dire. J’en ai parlé autour de moi et je ne suis pas la seul.e. Maintenant, je dis à mes amies*, semi à la blague, de dire qu’elles sont enceintes si elles veulent être prises au sérieux par le système de santé. C’est bien beau, les campagnes de prévention et de sensibilisation qui parlent de santé mentale à l’échelle nationale, encore faudrait-il que nous soyons pris.e.s au sérieux quand nous demandons de l’aide.

 

Ce qui m’amène au vif du sujet. J’ai annoncé ma grossesse dans ma famille, à mes ami.e.s proches et dans mon milieu de travail. Partout, on a reçu la nouvelle avec enthousiasme et bonheur! Quand j’ai vécu la grosse fatigue des premiers mois, on m’a encouragé.e à dormir autant que j’en avais besoin. Quand j’ai annoncé que malheureusement ma thyroïde demandait le double d’effort à mon cerveau et que donc mon énergie ne « peakerait » pas aussi fort que la légende le veut au deuxième trimestre, ma patronne m’a proposé de travailler de la maison quand je le voudrais. Ma famille a été bienveillante. Mon conjoint, qui est déjà hyper compréhensif à la base, est juste exceptionnel. Mes ami.e.s m’écoutent me raconter. Des personnes que je ne connais pas ont des mots gentils quand j’annule un rendez-vous à la dernière minute pour aller voir une poussette vue sur Kijii.

 

Personne ne présume que je ne fais pas assez d’efforts. Que je n’y mets pas du mien. Que je suis paresseuse. Personne ne me dit « un moment donné, ça suffit », « reprends-toi ». On me laisse écouter mon corps et prendre le temps et l’espace dont j’ai besoin. On m’écoute.

 

Aujourd’hui, en cette journée #BellCause #BellTalks qui veut nous sensibiliser aux réalités des personnes vivant avec des problèmes de santé mentale, j’aimerais vous dire ceci : agissez avec les personnes qui vivent avec une maladie mentale comme vous le feriez avec un.e ami.e enceint.e.

 

Dites-vous bien que si elle annule une soirée à la dernière minute, ce n’est pas pour vous faire chier. Que ça se peut qu’elle le fasse plusieurs fois d’affilée. Qu’elle ait besoin de temps seul.e. Ou qu’elle vous dise vouloir parler, mais que les mots ne sortent pas. Ou qu’elle ait besoin de parler en long et en large de ce qu’elle vit. Il se peut qu’elle pleure pour rien, qu’elle soit hyper émotive. Soyez patient.e comme vous le seriez avec moi parce que je suis enceint.e.

 

Si ce n’est « pas de ma faute, ce sont les hormones de grossesse » ou bien si « c’est normal, ça prend de l’énergie produire un.e petit.e humain.e », dites-vous que ce n’est pas de ma faute non plus si mon TAG me fait parfois faire des crises de panique qui m’épuisent. Ce n’est pas de la faute d’une personne dépressive si elle n’est pas capable de sortir de chez elle une journée. Ce n’est pas de la lâcheté. Comme pour une personne enceint.e, c’est le plus souvent une question de chimie dans le cerveau. On l’oublie souvent ou on ne le comprend pas assez clairement, mais une question de santé mentale, c’est tout aussi incontrôlable qu’une question de santé physique et, en fait… c’est très souvent physique aussi!

 

En plus, ça prend de l’énergie en titi, vivre avec une maladie ou un trouble, surtout dans les creux. Quand une voix vous parle sans cesse dans votre tête pour vous dire que vous n’êtes « bon.ne à rien », ça draine des forces. Et c’est dur en tah’ d’en parler. Je n’ai certainement jamais raconté mes crises d’angoisse à ma patronne comme je peux lui raconter mes nausées, on va se le dire. Je vous encourage quand même à tendre l’oreille et à laisser savoir que vous êtes ouvert.e aux confidences, sans jugement, si vous l’êtes pour vrai. Tout comme parler de ma grossesse me fait du bien, parler de mon combat intérieur m’aide aussi à mieux le vivre.

 

Soyez empathique et, surtout, validez la personne qui se confie à vous autant que possible. Vous ne diriez pas à une personne enceint.e que « ce n’est peut-être pas la grossesse non plus? » ou bien « t’es sûr que t’exagères pas? », n’est-ce pas? Vous la croyez en tant qu’experte de son expérience personnelle. « Toutes les grossesses sont différentes. » « Il y a autant de grossesses différentes que de personnes enceintes! » C’est pareil quand on vit avec un problème de santé mentale.

 

En bref, s.v.p., ayez la même bienveillance envers les personnes qui vivent avec un trouble ou une maladie mentale qu’avec les personnes enceint.e.s. Vous améliorerez leur qualité de vie en diminuant leur stress et le stigma qui entoure leur condition.

 

Ceci dit, si vous êtes du genre « envahissant.e » ou à tout mettre sur le dos de la grossesse, faudra peut-être modérer ce que je viens de dire! 😉

 

Vous, quels conseils donneriez-vous à une personne qui ne sait pas comment agir avec un.e proche ou un.e collègue atteint.e d’une maladie ou d’un trouble de santé mentale?

 

 

 

* Ce sont toutes des femmes cisgenres dans ce cas-ci.

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