En avant-première: L’industrie du ruban rose

Depuis plusieurs années, je ressens un malaise grandissant devant la commercialisation de la lutte au cancer du sein. Acheter un blender pour la cause, vraiment? Mais je n’arrivais pas à mettre le doigt sur le bobo, alors que Léa Pool frappe dans le mille avec son plus récent documentaire, L’industrie du Ruban rose. Se basant sur l’ouvrage Pink Ribbons, Inc. de Samantha King, la cinéaste dresse un portrait peu reluisant des dessous du marketing rose.

Dans son film, Mme Pool révèle que derrière les apparentes bonnes intentions se cache beaucoup de désinformation. Un exemple: on parle sans cesse de mammographie, alors que la détection précoce est loin d’être une panacée. Pour plusieurs femmes se découvrant des masses bénignes, elle encourage à recourir à des traitements invasifs; pour d’autres aux prises avec un cancer de stade trop avancé, elle n’offre qu’un diagnostic de mort imminente.

Quant à l’obsession de trouver un remède (« finding a cure »), les intervenantes en santé interrogées par la cinéaste sont unanimes: tout l’accent mis la recherche d’un traitement plutôt que sur la prévention constitue un égarement. Selon elles, il vaudrait  mieux diriger les énergies vers l’identification des causes du cancer du sein, encore inconnues. En effet, comment traiter une maladie dont on ignore encore comment elle survient?

Puis, il y a toute la question du re-branding du cancer en quelque chose de cute et d’inoffensif, de rose en somme. Quoi de plus aliénant pour une femme dont l’histoire personnelle ne colle pas avec cette image léchée du mal dont elle souffre?

Le film raconte également comment la mobilisation autour du cancer du sein s’est dépolitisée. Dans les années 1980, de nombreux groupes de femmes en Amérique du Nord se sont organisés pour réclamer un meilleur accès aux soins de santé, de l’air plus pur, des cosmétiques non toxiques, des produits ménagers sécuritaires… Comment ce discours militant a-t-il laissé la place à un consumérisme simpliste?

Avec son documentaire, Léa Pool suscite donc beaucoup de questions et invite le public à être moins dupe. Elle met également en scène des femmes atteintes du cancer dont la parole est authentique, la résilience et le courage, inspirants, et le vécu à milles lieues d’une annonce de rouge à lèvres Avon.

L’industrie du ruban rose, à l’affiche dès le 3 février.

9 Comments

  • lyly
    30 janvier 2012

    Vous avez déjà vu des hommes nus en couverture des magazines ou faisant l’objet d’affichage du ministère de la santé pour montrer leurs fesses avec le message « cet homme a montré ses fesses, il a sauvé sa vie » pour le cancer de la prostate?
    Un cancérologue parisien dénonçait qu’il y avait QUATRE fois plus de services pour le cancer de la prostate en Ile-de-france que pour le cancer du sein avec une phrase lapidaire « notre société préfère soigner les hommes de 75 ans que les femmes de 50 ans ».
    Les seins nus sont une façon agréable pour notre société machiste d’investir en majorité plus pour les hommes en toute bonne conscience.

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  • Marjorie
    30 janvier 2012

    Cet été, j’ai flâné devant la Randonnée du Courage Pat Burns, destiné à amasser des fonds pour le cancer de la prostate. D’abord, mon inconfort à me faire offrir un bracelet orné du symbole masculin à la place du O de courage. Comme s’il fallait promouvoir tout l’ensemble du genre masculin et ce qu’il implique dès lorsqu’un de ses membres tombe en situation de vulnérabilité…

    L’assistance était composée à moitié d’hommes et de leurs conjointes. Bien que l’animateur s’adressait à tous, il y avait définitivement un appel aux femmes, qui devraient s’impliquer à convaincre leurs proches (spécifiquement leurs maris) de se faire tester régulièrement, à les soutenir dans leur cause et à les encourager dans leur combat si atteints. Celles-ci étaient ravies de faire leur part dans la prévention du cancer de la prostate.

    Quel malaise à voir le branding inégal de deux cancers mis côte à côte: «femmes, supportez vos hommes» et l’autre, «femmes, supportez-vous entre vous». En conclusion, un mélangeur électrique (!) rose (!), est-ce que c’est destiné à impliquer les hommes?

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  • Berenice
    1 février 2012

    Oh, ben vous trouvez qu’on apprend aux femmes à toujours placer le bien-être et le besoin des autres avant le leur, et que pour leur propre bien-être elles ne peuvent compter que sur elles-même, ou d’autres femmes compatissantes…
    Je trouve que vous avez bien mauvais esprit hein ^^

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  • Vivi
    1 février 2012

    Je vais tenter de trouver ce film depuis ma petite ville de France 😉
    Vos commentaires me touchent en plein coeur, moi qui ai harcelé ma mère cet été pour qu’elle fasse un dépistage…
    Je m’en vais en quête de renseignements sur ce thème.
    Merci à toutes, ^^

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  • Caroline R.
    10 février 2012

    J’ai été voir le film mercredi dernier et je dois avouer que ça m’a fait énormément réfléchir!

    Derrière ces campagnes de financement se cachent de fins stratèges marketing pour mousser les ventes. Aussi, on constate qu’on ne se pose pas de question, on achète pour se déculpabiliser, mais on ne sait pas où vont les fonds.

    À voir. Vraiment.

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  • Anne d'Autriche
    16 janvier 2013

    Je pense que la détection précoce est -sinon la panacée- du moins essentielle. Vitale, dirais-je même. Et il est logique qu’en cas de doute, on passe à la cytoponction puis à la biopsie. C’est invasif mais on n’en meurt pas. Tandis que du cancer, on meurt, c’est clair et net. Le ruban rose ne suit-il pas la logique du ruban blanc et du ruban rouge ? L’idéal serait une vision globale de la chose, des facteurs aggravants ou précipitants, (tels les pesticides, la mauvaise alimentation, le surpoids), une prévention pour tous les cancers (mais il y a d’autres campagnes, aussi, importantes, ex. intestins, col de l’utérus, cancer de la peau), sans compter le télévie en europe… Il y a beaucoup à dire sur la question… Et sur les abus commerciaux auxquels se livre facilement la société actuelle.

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