De la pub et des femmes
Un peuple se distingue par ses mœurs et ses actions. Le peuple nord-américain et européen se définit donc par un mode de vie axé sur la consommation. La banalité de cette pratique est telle, qu’il semble difficile de la remettre en question. Elle semble exister sans notre consentement. Et pourtant, la source de ce comportement, à laquelle la masse se dit insensible, fait rouler l’économie et marque l’imaginaire : la publicité. L’analyse suivante du contenu publicitaire du magazine Clin d’œil, édition août 2008, (un magazine, rappelons-le, « d’intérêt féminin ») relève presque d’une autopsie sociétale.
La stratégie de marketing globale semble se limiter à qualité et efficacité. Désormais, un coup de brosse et de pinceau suffit pour augmenter de six fois le volume de vos cils et assurer une tenue de huit heures à votre brillant à lèvres. Pour sa part, l’hydratant Multi Recharge de Biotherm se glorifie d’être une source d’énergie et, indirectement, de bonheur au quotidien. Voilà la promesse d’un avenir radieux par une rationalisation exagérée du temps.
Il semble que les publicitaires soient devenus maîtres dans l’art de manipuler la matérialité sensible des objets. Sous leurs soins attentifs, une banalité se transforme en somptuosité. La publicité de Jergens illustre bien ce processus de manipulation. Le produit, un savon à mains, y est habilement présenté comme étant un luxe « à portée de la main » dans le but évident d’accroître sa désirabilité auprès des récepteurs.
Une manière plus globale de rejoindre le public cible est de La clinique de chirurgie plastique et esthétique du Dr Bernier mise quant à elle sur miser l’accomplissement personnel des lectrices en en adoptant le message « C’est ce que je désire ». Dans ce cas particulier, la réalisation de soi passe d’abord par le besoin de reconnaissance (le regard des autres est intimement lié à l’idée de la chirurgie plastique) puis par le besoin d’estime (dans ce cas, le regard qu’un individu porte sur lui-même). Puisque cette philosophie du «moi » est récurrente, on peut en conclure que l’accomplissement personnel fait partie intégrante de la vie des lectrices du magazine.
Le désir précédemment soulevé dissimule en revanche une autre idée, la séduction. En désirant une addition mammaire, la femme cherche en effet à se conformer aux standards occidentaux d’esthétisme. Elle comprend le pouvoir d’érotisme qu’a ce signe de féminité sur les hommes. De la même manière, Hypnôse, le produit mis en valeur par Lancôme, fait délibérément référence au pouvoir de séduction qu’il confère. Il fait appel au désir de plaire et d’hypnotiser les hommes (remarquez la silhouette masculine se dessinant en arrière-plan). Paradoxalement, puisque l’attention du récepteur est dirigée vers la femme plutôt que le produit, on vise davantage à vendre un idéal de beauté plutôt que des cosmétiques. Des lèvres charnues, un teint impeccable et un regard aguichant voilà ce qu’il faut pour être désirable. Cet idéal est justifié à maintes reprises par les publicités et le contenu rédactionnel du magazine.
L’analyse systématique des messages publicitaires du magazine Clin d’œil relève presque d’une autopsie sociétale. Puisque cette revue féminine s’inscrit dans la tradition des médias populaires axés sur le capitalisme, diverses stratégies reflétées par les publicités sont employées pour rejoindre le public cible, des jeunes femmes accablées par le travail, fascinées par le luxe et la célébrité désirant à la fois s’accomplir et séduire. Nonobstant, l’idée soutenue par de nombreuses publicités est la suivante : le bonheur est individuel et ne peut être atteint que par la consommation du matériel. À quand le bonheur en boîte?
Tanya
Salut Edenne,
J’apprécie ton anaylyse qui est juste et critique. Effectivement, j’ai été particulièrement troublée de voir le dernier numéro de Clin d’oeil qui se dirige de plus en plus non seulement vers un catalogue publicitaire (la ligne entre articles et pubs est de plus en plus difficile à tracer) mais aussi dont les messages publicitaires semblent de plus en plus extrêmes, comme tu en fais mention.
Par contre, je crois qu’il faut être très prudentes lorsqu’il s’agit de faire de l’analyse de médias. Effectivement, les médias font partie de notre vie collective et nous reflètent jusqu’à un certain point, mais ils ne sont pas nous. Et nous pouvons toujours les regarder avec un regard critique, détaché, dégoûté! À cette association entre beauté artificielle, consommation et bonheur, on peut dire NON! et réagir. En jettant Clin d’oeil par la fenêtre par exemple 😉
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Edenne
Bonjour Tanya,
Merci de ton commentaire. Cette analyse a été réalisée dans le cadre d’un cours de communications où je me devais de cerner les grandes lignes du public cible du magazine.
Je sais que les lectrices peuvent porter un regard critique sur le magazine, n’empêche, je suis d’avis qu’elles sont quelque peu complices si elles acceptent le contenu artificiel/ »American dreamish » qui leur est proposé…
Je crois sincèrement assister présentement à l’abrutissement des masses (je sais que mon point de vue peut sembler extrême) en voyant autant de magazines normalisant l’obsession de la consommation, la minceur et la beauté plastique.
Parallèlement, tous ces magazines jetables m’offrent un moment de divertissement lorsque j’ai l’occasion d’y jeter un goût d’oeil à l’hypermarché du coin…
* Pour jeter un coup d’oeil à la dernière édition de Clin d’oeil.
Notez les titres « Spécial mode 75 pages », « Je magasine une religion » et « augmenter votre QI fashion » (!)
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Sebas
Je suis bien d’accord avec toutes ces analyses mesdames. Le système marchand exploite tout et « chosifie » tout.
Mais qui va parler de ça:
http://www.egalitariste.org/La%20misandrie%20succede%20a%20la%20misogynie.htm
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Edenne
Merci Sebas pour ce pertinent article.
J’ignorais jusqu’à maintenant la portée et le sens du terme mysandrie. En revanche, je crois qu’il est erroné d’affirmer que « le sexe ‘faible’ a remporté la bataille! » tel que l’article le sous-entend. C’est avec beaucoup d’intérêt que j’aimerais lire l’ouvrage de Young et Nathanson.
N’empêche, je suis affolée par la conclusion de l’article, qui prévoit une montée du masculinisme (un contre-mouvement) au détriment du féminisme!
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Sebas
@ Edenne :
Merci pour votre message !
Le montée du « masculinisme » peur être arrêtée et je suis sincère.
Faut seulement que tous, femmes et hommes, arrêtons de parler QUE pour notre sexe…
Je n’ai pas une once de sexisme en moi, mais devant les injustices/sexismes que les hommes occidentaux -d’aujourd’hui- subissent (dans un silence presque total de la « pensée dominante »), je me sens obligé de parler « pour les hommes ». Mais dans le fond, je n’aime pas ça du tout…
Que puis-je faire d’autre ?
En tout cas, en 2009 et en occident, je crois que les ennemis de tous, c’est le système économique injuste, l’état de plus en plus fasciste, le système de ju$tice, etc, etc,etc, ET etc…
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Elyse
Deux commentaires, sur les magazines féminins et sur la mysandrie.
De deux choses l’une, la pub. Edenne, très d’accord avec les deux grandes tendances que tu as relevées : séduction (qui n’est d’ailleurs maintenant plus le propre des femmes en pub) et la fameuse et cal**?%?ment fatiguante estime de soi (faudrait toujours se sentir gagnante, belle et prête à tout, hein? C’est sûr). Selon un ouvrage très intéressant que je conseille à tous, The Female Thing, de Laura Kipnis, une part de l’explication de ce contenu publicitaire et rédactionnel des magazines dits féminins va comme suit (je vous le paraphrase au lieu de le citer, c’est en anglais) : la fémininité (nous traduisons) se construit autour d’un sentiment perpétuel, et perpétué, d’inadéquation (dans le sens d’être inadéquate). Il nous manquerait toujours un petit quelque chose pour nous rendre « plus bonnes! », et cette quête n’aurait d’ailleurs jamais de fin. Ce que l’auteure appelle le complexe industrio-féminin (nous traduisons, fort malhabilement) serait composé de toutes sortes d’instructions, de trucs utiles, de conseils dans le but précisément d’entretenir ce sentiment d’inadéquation, et également dans le but d’entretenir un grand conglomérat psycho-commercial (nous traduisons encore, mais nous ne nous cherchons pas de job de traductrice) financé par les femmes elles-mêmes (soupir!). Ces magazines nous trouveraient constamment des choses à améliorer et nous dénicheraient des problèmes que nous ne pensions pas avoir. Sommes-nous victimes de nous-mêmes? Oui. (un petit auto-dafé de magazines féminins, groupe?) Je suis plus ou moins d’accord avec l’analyse voulant que ce n’est que pour plaire aux hommes que nous croulons sous la pression et courons nous acheter la nouvelle crème anti-rides. Demandez à votre chum s’il trouve que vous avez engraissé (genre quand vous avez pris 5 livres)… « Hein? Quoi? Ben non chérie, t’es belle. » Demandez à votre amie; elle sera beaucoup plus perspicace…
Abrutissement des masses? Oui oui. Suggestion cinéma : « Manufacturing consent », documentaire sur Noam Chomsky. Il n’aborde pas la « fémininité » comme telle, mais ce qui, à mon sens, sous-tend ce que Kipnis propose.
Sur la mysandrie, même si c’est un peu hors-sujet: merci Sébastien pour cet article. J’abonde aussi dans le sens de l’article; la mysandrie généralisée et sous-critiquée fera, entre autres, du tort au féminisme et à ses récents acquis, car on dira assez vite (on le dit déjà) que c’est le féminisme (l’honnête comme le malhonnête, c’est là où le bât blesse) qui en est la source. Sébastien, je suis d’avis que les féministes doivent se pencher sur cette question et surtout dialoguer avec les … euh… égalitaristes (??? on a un problème terminologique ici…) ouverts de ton acabit, pour la raison que j’ai évoquée plus haut, et parce que cette tendance pourrait avoir des conséquences néfastes sur les relations hommes-femmes. Bravo pour ta prise de parole, tu dois, à l’occasion, t’attirer des baffes.
Bonne journée des femmes tout le monde!
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