Un petit pas pour la femme

JeSigneEnLigne.com

Pétition déposée le 30 octobre 2007 à l’Assemblée Nationale:

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que l’idéal de beauté féminine est devenu un culte de la maigreur;

«Considérant que ce culte est généré, [entre] autres, par l’influence négative des médias et du domaine de la mode sur les jeunes;

«Considérant que le taux d’hospitalisation pour les troubles alimentaires dans les hôpitaux généraux a augmenté de 34 % chez les jeunes femmes de moins de 15 ans et de 29 % chez les jeunes femmes de 15 à 24 ans au Québec;

«Considérant que 8 % des filles âgées de 15 à 25 ans sont atteintes de troubles alimentaires au Québec;

«Considérant l’adoption d’une directive régionale madrilène relative aux défilés de mode;

«Considérant la signature, en Espagne, d’un accord entre les principales marques de mode espagnoles et le ministère de la Santé afin que les mannequins dans les vitrines détiennent une taille d’un minimum acceptable […] pour les femmes;

«Considérant l’adoption, en Italie, d’un code d’éthique visant à combattre l’anorexie;

«Considérant le décès d’Ana Carolina Reston, […] modèle brésilien de 21 ans;

«L’intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l’Assemblée nationale de bien vouloir faire en sorte que le problème de l’anorexie et [de] ses causes sociales soit pris en considération [et] entreprendre des discussions avec le secteur québécois de la mode afin de rédiger un code d’éthique inspiré par les initiatives européennes.»

Deux ans plus tard, en octobre 2009, la Charte pour une image saine et diversifiée était lancée. Suite au lancement du site JESIGNEENLIGNE.COM, j’ai cru bon faire part à nos lectrices de ma vision de notre projet.

Diatribes

J’ai entendu quelques critiques ici et là: «un geste pieux de la Ministre St-Pierre», «encore une initiative gouvernementale qui ne donnera rien», «la situation du Québec n’est pas si problématique».

Consciente de la limite d’une telle Charte qui n’exige en rien des mesures législatives réelles, le contraire serait à mon avis inadéquat, je ne peux tout de même qu’applaudir les démarches entreprises par le Ministère de la Condition féminine. En effet, la motivation d’un tel projet marque un pas vers l’avant.

Vous voyez, je dois me confesser tout de même: moi aussi, je n’aime pas trop les projets qui me semblent trop «soft», trop «inoffensifs», trop «ça paraît bien d’en parler à la télé». Je suis également très réticente à la moralisation, un exercice populaire dans le paysage médiatique québécois. Loin de moi l’idée d’avoir un leitmotiv plutôt vide que le suivant: «Les maigres, cachez-vous!»

Ceci étant dit, allons donc plus loin dans notre réflexion. Depuis des milliers d’années, on exige de la femme une soumission à des critères de beauté. En 1848, Ingres, peintre issu du courant néoclassique, nous présentait une femme parfaite aux proportions non atteignables rendus par une absence de modelé…un peintre de la chirurgie plastique, un peintre amateur de Photoshop avant son temps? L’idéal de beauté a bien changé au cours des siècles. Ce ne sont plus les peintres qui ont le dernier mot sur l’idéal de beauté. Aujourd’hui, ère de post-modernité, la femme parfaite est représentée par les photographes, les professionnels du marketing, les designers et nous, consommateurs. La femme, comme l’homme, est un outil de vente qui s’inscrit dans une époque définitivement capitaliste menée par la loi du marché. L’idéal de la femme parfaite nous est imposée partout: magazines, publicités, télévision, Internet, j’ai bien dit partout.

Voyez-vous, je suis née en 1991. À cinq ans, je jouais avec une Barbie grande comme cela, maigre comme cela. À huit ans, je lisais le magazine Cool et Filles d’aujourd’hui. Je passais des heures à écouter des séries américaines. À douze ans, j’ai commencé à m’entraîner comme une dingue. J’avais un but, je voulais devenir moi aussi très, très, très mince jusqu’à vouloir disparaître. À douze ans, j’ai développé un trouble alimentaire comme des milliers de jeunes femmes.

Je ne voudrais pas faire un lien simpliste entre anorexie nerveuse et modèles imposés dans nos sociétés. Prenons nos modèles actuels et disons qu’ils sont comme une cerise sur le sundee. Le contexte dans lequel nous vivons est aliénant. J’entends mes amies de trente ans m’harceler à cause de leurs gros ventres, ma mère de ses poches sous les yeux et de ses rides, ma grand-mère de son corps au complet. «Tu es jeune Léa, profites-en», me disent-elles en choeur. Il y a des télé-réalité nunuches qui nous prennent pour des connes et nous laissent le temps d’un instant rêver que nous serons un jour nous aussi parfaites. La jeunesse éternelle n’existe pas. Le filiforme n’est pas monnaie courante. On nous vend du rêve toujours, tout le temps et partout. Et si on se donnait la chance de se faire nos propres rêves? Si on refusait le rêve qu’on cherche à nous imposer? À quand la fin de cette obsession collective? Les femmes de 50 ans avec des rides, c’est beau. Les femmes avec des fesses et des hanches aussi.

La Charte est un petit pas vers un changement sociétal. C’est un manifeste pour un équilibre sain et collectif.

Il ne reste une semaine avant que la campagne JESIGNEENLIGNE.COM ne prenne fin. Le Ministère de la Condition féminine, si la réponse du public est positive, risque d’élargir le projet aux écoles secondaires du Québec. Votre signature compte.

12 Comments

  • Sophia
    9 avril 2010

    Je m’interroge quant au lien causal entre:

    X) les magazines et les Barbies

    et

    Y) les complexes de petite fille.

    Y’a-t-il des études sur le sujet? Comment appuyer rationnellement de telles allégations?

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  • Valérie
    9 avril 2010

    Évidemment, il n’y a pas de lien de cause à effet. Cependant, il est important de comprendre que ces éléments sont porteurs de mêmes phénomènes culturels qui eux, sont néfastes. Plusieurs analyses de contenu ont été faites à propos des magazines féminins dont  »La sexualisation précoce des filles » de Pierrette Bouchard, une étude universitaire publiée aux éditions sisyphes. Sinon, Léa, félicitations pour ton travail. J’étais très fière lorsque je t’ai vue à tout le monde en parle! Bonne continuation!

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  • Sophia
    9 avril 2010

    Je me demande également en quoi les Éditions Sisyphe ne sont-elles pas déjà vendues à la cause féministe, d’où, la précision de par l’adverbe « rationnellement » tel qu’émis dans mon précédent commentaire.

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  • Marie-Anne
    9 avril 2010

    @ Sophia
    Si tu ne trouves pas que les Éditions Sisyphe ne sont pas rationnelles, c’est ton opinion, c’est un jugement de valeur…

    Il y a les films Killing us softly, qui explique les effets des publicités sexistes, et Sexy Inc. sur l’influence de la mode sur les jeunes. Il y a ce numéro de la Gazette des femmes qui a fait un dossier sur l’hypersexualisation (http://www.csf.gouv.qc.ca/gazette/archive.php?type=gazette&categorie=&annee=2005) et bien entendu le livre La mode hypersexualisée, encore aux Éditions Sisyphe, malheureusement pour ton opinion de la «rationalité». Bien entendu, ce que je te réfère là provient de sources féministes…

    D’ailleurs, je seconde Valérie : bravo Léa pour ton passage à TLMEP et l’initiation de la Charte !

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  • Imace
    9 avril 2010

    « vendues à la cause féministe » ?^^

    Je ne pense pas que l’engagement dans une cause soit forcément synonyme de manque de rigueur. D’ailleurs, le contraire se vérifie aussi : ce n’est pas parce qu’une entité n’est pas militante que les études qu’elle rédigera seront forcément pertinentes…

    Dans les deux cas, ce qui compte, c’est la méthode. Et Sisyphe (le site) est plutôt connu pour offrir une information de qualité.

    En conclusion, la suspicion à l’égard d’une source simplement parce qu’elle est féministe me semble être un réflexe irréfléchi.

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  • Valérie
    11 avril 2010

    Comme si le féminisme ne pouvait pas être le fruit d’une réflexion rigoureuse! Le livre de Bouchard et Bouchard est le résultat d’une étude universitaire. Pour les personnes encore non-convaincues, je rajoute l’excellent rapport de l’American Psychological Association, disponible en ligne : http://www.apa.org/pi/women/programs/girls/index.aspx . On y cite même une étude qui démontre que le poids des jeunes filles vivant sur une île dans le Pacifique s’est mis à baisser dramatiquement lorsque la télévision s’est incrustée dans les moeurs. Sinon, il y a évidemment les écrits de Jocelyne Robert qui, sans parler directement des magazines, renvoient directement à ce phénomène qu’elle a nommé ‘régression érotique’. Sinon, je cite l’oeuvre entière du sociologue Richard Poulin, de l’Université d’Ottawa, qui se spécialise dans la mondialisation des industries du sexe. (Un article publié sur Sisyphe : http://sisyphe.org/spip.php?article2268 ) Et les livres de l’anthropologue Franck Michel parlent souvent de ce phénomène dans ces livres Planète Sexe et Voyage au bout du sexe.

    Ça reste sommes toutes assez simple : le contenu des magazines féminins est orienté vers deux choses : les relations amoureuses et les produits de consommation, les publicités présentes dans le magazine servant à combler les besoins créés par les  »reportages ». Les magazines féminins sont, en général, le principal véhicule de la culture de masse  »fi-fille ». Cette culture est fabriquée de toutes pièces et imposée du dehors aux jeunes filles. Elle ne fait pas partie de l’expression de leur être.

    Dans l’excellent rapport de l’APA, on définit l’hypersexualisation de quatre manières :

    -a person’s value comes only from his or her sexual appeal or behavior, to the exclusion of other characteristics;

    -a person is held to a standard that equates physical attractiveness (narrowly defined) with being sexy;

    -a person is sexually objectified—that is, made into a thing for others’ sexual use, rather than seen as a person with the capacity for independent action and decision making;

    -and/or sexuality is inappropriately imposed upon a person.

    Bref, on se retrouve face à l’hypersexualisation chaque fois que la sexualité d’une personne n’est pas intégrée à l’ensemble de ce qu’elle est, chaque fois qu’on dissocie la sexualité de la personne humaine en qui elle est.

    Cette hypersexualisation rend les gens ultra-vulnérables face au regard que l’on porte sur eux : «En voici des aspects variés: focalisation sur l’image, obsession de la minceur (près de 10 % des petites filles de 8 et 9 ans ont déjà suivi un régime), fixation sur les relations amoureuses, dépendance émotive, séduction/sexualisation, manque de confiance en soi, dépréciation de soi, dévalorisation par les autres, perte d’estime de soi, fragilité aux abus de toutes sortes. » (Bouchard et Bouchard)

    Ça ne fait que peu de temps que j’ai réellement pris conscience de l’importance que prenaient les relations avec les garçons quand j’étais adolescente. Avec du recul, je me rends compte que cette obsession n’était pas inhérente à ma condition d’adolescente. J’en ai perdu, du temps…

    Évidemment, il n’y a pas de lien de causalité directe entre les magazines et les comportements des filles. Tel que mentionné précédemment, ces magazines sont d’abord des porteurs de culture. Et c’est cette culture, mercantile et adocentriste, qu’il faut changer.

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  • Fanie
    11 avril 2010

    Signé et partager sur les réseaux sociaux! Merci, Léa! 🙂

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  • Sophia
    12 avril 2010

    @Marie-Anne: Il m’apparaît que les références que tu cites sont également teintées. On dirait qu’il n’y a que les féministes qui peuvent écrire sur le féminisme. Cela me semble fantaisiste: les psychiatrisés, eux, écrivent-ils sur leurs maladies mentales?

    @Imace: Je suis d’accord avec toi: la crédibilité des résultats d’une recherche repose grandement sur sa méthodologie. Cependant, je ne sais pas si Sisyphe offre réellement de l’information de qualité puisqu’on le qualifie, de temps à autre, comme allant dans les extrêmes. Enfin, si mon commentaire était un « réflexe irréfléchi », j’aimerais bien savoir ce que pourrait être un « réflexe réfléchi ». Encore une fois, ça n’a aucun sens.

    @Valérie: Ma position sur le féminisme en général ne doute pas de la présence d’une certaine rigueur. La nuance est contextuelle. Ex: Il serait difficile de généraliser des résultats obtenus avec une population X, car les populations vivent des réalités différentes des unes et des autres.

    Pour plus d’information sur l’erreur écologique: Bressoux (2008) dans Modélisation statistique appliquée aux sciences sociales p. 274

    http://books.google.ca/books?id=v7MYcMCW2VYC&pg=PA274&lpg=PA274&dq=erreur+écologique&source=bl&ots=poip9zb6_z&sig=ZmrA_WVBkSiDvYFVDFkXu8YAD6g&hl=fr&ei=taDDS40wi_6yA6vryfgE&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=6&ved=0CB0Q6AEwBQ#v=onepage&q=erreur%20écologique&f=false

    On va commencer par ça.

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  • Marie-Anne
    12 avril 2010

    @ Sophia
    Je n’ai cité que des références féministes, oui. Mais je n’ai jamais affirmé que seulement les féministes peuvent parler de féminisme. Il ne faut pas me faire dire ce que je n’ai pas dit.

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  • Valérie
    12 avril 2010

    Que remets-tu en question au juste, Sophia?

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