Les risques de la grossesse
Une co-publication avec le blogue des HTMlles
J’ai longtemps pensé à comment aborder le sujet des risques de la grossesse pour ce billet. Désormais à 40 semaines de gestation, le seul risque qui me pend au bout du nez, c’est que je n’aie pas le temps de terminer parce que je dois aller accoucher.
J’aurais pu vous entretenir de tous les risques médicaux reliés au seul fait d’héberger et construire un nouvel être humain. Être enceinte amène son lot de changements et chaque corps réagit comme il peut à cette mécanique hormonale et physiologique. Certaines auront des grossesses faciles, d’autres vivront les pires neuf mois de leur vie. Dans la liste des choses non-agréables et communes : fatigue, nausée, crampes musculaires, reflux gastriques, maux de dos, constipation, hémorroïdes, engourdissements, insomnie, acné et anémie. C’est déjà assez déprimant pour ne pas s’aventurer du côté des tests de dépistage courants, autant pour la mère que son fœtus : diabète, hypertension, trisomie 21, malformations cardiaques et anomalies chromosomiques. Sans oublier de mentionner que plus vous êtes âgée, plus vous risquez gros. D’abord, vous risquez d’avoir de la difficulté à tomber enceinte. De plus, les chances d’avoir une fausse couche ou un enfant avec un handicap se multiplient avec les années qui passent.
Faisons donc dévier le sujet vers quelque chose de moins lourd, mais tout aussi risqué : afficher sa maternité florissante dans l’espace public. L’enfant qui se forme à l’intérieur de votre utérus a beau être le vôtre, il semble qu’il appartient aussi un peu à tout le monde. Lorsque vous vaquez à vos occupations les plus anodines, les regards plein de bonnes intentions se poseront sur vous pour juger la façon dont vous gérez votre grossesse. Et c’est un processus tout ce qu’il y a de plus démocratique : autant votre mère qu’un inconnu rencontré à la pharmacie peut (et se sent investi de la mission de) vous donner son avis.
Car le « miracle de la vie » qui se développe sous votre nombril doit être préservé de tous les risques, notamment et surtout ceux qui pourraient être induits par un comportement douteux de votre part. Petite maman, vous devez être irréprochable pour le bien de l’héritier/héritière que vous portez. Votre jugement pourrait être brouillé par les hormones, voilà pourquoi des personnes plutôt random tâchent de vous mettre sur le droit chemin. Soyez donc avertie que les interventions et les questions teintées d’inquiétude se multiplieront si vous vous adonnez à l’une de ces activités :
- pratiquer un sport (préférez un cours d’aérobie avec les bedonnantes de votre espèce)
- manger au restaurant (évitez le cru, les charcuteries, certains types de poissons, l’alcool, la caféine et mille autres choses)
- faire la fête (ne vous exposez pas à la fumée secondaire, gare aux nuits courtes, ayez le déhanchement léger)
- faire l’épicerie (ne succombez pas aux munchies bizarres et équilibrez votre alimentation)
- travailler (réduisez le stress et tâchez de ne pas trébucher en talons hauts)
Autre risque : l’intrusion d’étrangers dans votre espace privé. La preuve flagrante que votre corps ne vous appartient plus vraiment : certains enthousiastes n’auront aucune gêne à vous toucher le ventre sans vous demander la permission. D’autres profiteront de votre état captif dans les transports en commun pour tout savoir sur vous ou encore mieux, deviner les détails suivants à la lumière de leur grande expérience de vie : le nombre de mois de grossesse, le sexe du bébé, si c’est votre premier et comment vous allez l’appeler. Prévoyez également un certain nombre de commentaires déplacés sur la forme de votre bédaine (révélant avec certitude le sexe de votre bébé) et votre poids (jamais correct). Vous aurez également droit à un lot d’anecdotes tout à fait gratuites et parfois graphiques (un mot : vergetures).
Ces risques sociaux sont peut-être plus anodins que les risques médicaux, mais il n’en demeure pas moins qu’ils peuvent être pénibles à vivre au quotidien. La femme enceinte doit composer non seulement avec le poids de la grossesse, mais aussi avec celui du tribunal des bien pensants qui s’invite dans son intimité et questionne ses choix. La femme enceinte appartient davantage à tout le monde qu’à elle-même. Infantiliserait-on celles qui portent des enfants?
VLF
Stéphanie, c’est justement ça le problème. Cette femme vous ne la croisez qu’une fois. Qui êtes-vous pour juger de sa responsabilité? Vous ne savez pas tout ce qu’elle fait. Est-elle une grande fumeuse qui a dû arrêter et qui s’en permet une de temps en temps pour relaxer et vous venez de lui gâcher sa pause de la semaine? Est-elle une barmaid qui a dû quitter sa job prématurément parce que c’était mal vu et qui revient passer un peu de temps avec ses copines avant de ne plus pouvoir se le permettre? Peut-elle se permettre de ne pas travailler, de bien manger? Personne n’est parfait, les mères non plus. Sauf que les mères, elles, comme elles ne s’appartiennent plus, se font reprocher chaque incartade. Peu importe les difficultés qu’elles vivent, l’aide qu’elles ont ou pas, ce sont elles les responsables. En plus, l’idée de ce qui est bon pour le bébé change beaucoup d’une culture à l’autre, d’une époque à l’autre alors, peu importe ce qu’elle décide de faire, une mère sera jugée.
Or, être responsable requiert d’être libre. Être parent demande de faire des choix difficile constamment en assumant qu’ils auront des conséquences négatives et positives pour un enfant.
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Marie-Hélène
Bien d’accord; la dictature de la bonne conduite est un facteur de stress important pour les futures mamans, peut-être même le premier en liste. En ce qui a trait à tout le monde qui se permet de commenter nos grossesses, vient la bienveillance exagérée, donc douteuse, cachant mal le plaisir narcissique d’instrumentaliser chaque grossesse visible pour raconter ses vieux souvenirs. L’intérêt porté à la future maman se transforme rapidement en « Moi quand j’étais enceinte… Moi quand j’ai accouché » puis on se fout éperdument de la maman, ou plutôt du bébé dans son ventre, duquel on semblait tant se soucier quelques secondes auparavant. Les conseils avisés à la femme enceinte ne concernent plus tellement la protection de sa progéniture, ils sont l’occasion de décrocher une tribune pour parler de soi.
Pour revenir à la responsabilisation à outrance de la mère pour les aléas de sa grossesse et de la santé de son enfant, prenons l’exemple des situations de travail avant terme et d’accouchement prématuré. On cloue la maman au lit sous prétexte que ce sont ses efforts déraisonnables qui ont provoqués les évènements. Entre autres exemples, si elle se lève pour aller faire pipi – parce que les envies d’uriner stimulent les contractions – on l’accuse de faire exprès pour ne pas se reposer et on lui aboie de retourner au lit. Pourtant, une infinité de facteurs sont susceptibles de déclencher un accouchement prématuré sans que la femme n’y soit pour quelque négligence. On lui fait tout de même de gros yeux. Et si elle accouche effectivement avant terme, on ne lui demande pas comment elle et son bébé vont, on lui lâche un gros « Mais qu’est-ce que t’a fait là ! » Comme si le stress inhérent à ces circonstances critiques, puis à l’environnement déjà hautement responsabilisant des mois de grossesse ne suffisaient pas !
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Georginetta
Les personnes bien dans leur beau n’en ont que faire de ces commentaires. Arrêtez de blâmer la société, apprenez à être bien dans votre peau, pis p’t’être qu’un m’ment donné ça va mieux aller.
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Georginetta
Dans le sens que je c’est le genre de sujet que je trouve assez facile à régler. De toutes façons, dans mon réseau, les femmes tendent à étaler leurs problèmes de grossesse, sur internet par exemple. Je pense qu’il est mieux que les gens fassent preuve de sollicitude à leur égard que d’indifférence. Ce serait bien, par-contre, si le support de la société s’affirmait davantage une fois l’enfant né. Ça prend un village, pour élever un enfant, dit-on. Le problème, dans le sujet, c’est la bienpensance. Ça, y’en a dans tous les milieux, même ici.
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Marie-Élaine
Bravo Georginetta si votre force de caractère vous permet de vous élever au-dessus des commentaires sur votre corps et votre santé, et que ça ne vous dérange pas si des inconnus vous touchent sans permission.
Ces comportements dérangent toutefois plusieurs femmes, et je pense qu’on doit questionner le fait que tout le monde s’autorise tout à coup à vous dicter quoi faire, quoi boire, quoi manger lorsque vous êtes enceinte.
J’y vois un parallèle avec les personnes obèses. Une grosse personne qui mange du fast-food, une grosse fille surtout, ça va nous faire secouer la tête. « Mais quelle irresponsable… elle aurait dû prendre la salade. » Mais une personne mince qui va chez McDo? Bof.
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Catherine
J’ai trouvé moi aussi que la grossesse mettait en relief cette vision du corps de la femme en tant que propriété publique, pouvant faire l’objet sans retenue de commentaires, de jugements et de consignes. Et les charmants conseils ne s’arrêtent pas à la naissance du bébé, bien au contraire.
Outre éduquer notre entourage, ce que nous pouvons faire, individuellement, c’est s’informer. Je suis tombée enceinte de mon premier enfant en pleine période de rhume des foins. Aucune inquiétude jusqu’à ce que je lise, après quelques semaines, la mention « Éviter lors de la grossesse et de l’allaitement » sur ma boîte d’antihistaminiques. N’ayant pas commencé de suivi de grossesse, je me précipite à la pharmacie pour être rassurée. La pharmacienne consulte sa base de données, me confirme qu’il n’y a pas de feu vert pour ce médicament et me suggère plutôt un antihistaminique de première génération. Somnolence, étourdissements et nausées comme effets secondaires; la joie. J’ai préféré me taper la saison des allergies sans médicaments, pour tomber ensuite, en faisant des recherches sur l’alcool pendant la grossesse, sur le site du Centre de référence sur les agents tératogènes (www.lecrat.org), qui confirme l’innocuité des antihistaminiques récents, dont celui que je prenais. J’en suis à ma deuxième grossesse et ces médicaments sont maintenant officiellement autorisés chez la femme enceinte. Les directives de la santé publique ne suivent pas toujours la recherche au rythme où on le voudrait… Ah, et en passant, en ce qui concerne l’alcool, le CRAT maintient qu’en dessous de 2 consommations par jour, il n’y a aucun indice de malformation ni d’effet neuro-comportemental.
Sur une note plus légère, si je me suis sentie agacée et même, à quelque reprises, agressée, j’ai préféré rire de certains commentaires. Genrer les comportements du foetus? « Il bouge beaucoup, ça doit être un garçon »?. Come on!
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