Ni Femen, ni voilée, ni membre du CSF
«Féministe». Dans les dernières semaines, ce mot semble être sur toutes les tribunes, de toutes les actualités : une Charte pour «promouvoir» les valeurs féministes québécoises, les féministes divisées sur la question du port du voile, les concours de mini-miss dénoncés par une féministe, des féministes dénudent leurs poitrines à l’Assemblée nationale… etc.-etc.
Je reste sceptique sur la signification qu’on donne réellement au féminisme lorsqu’il est employé dans les médias et dans l’espace public. Je l’entends si souvent qu’on croirait que ce mot a désormais intégré un vocabulaire courant au Québec et qu’il est utilisé en toute connaissance de cause. Si c’est réellement le cas, je ne m’en plaindrai pas, au contraire. Toutefois, à lire certaines chroniques et autres commentaires dans le débat de la Charte, j’ai parfois l’impression que «féminisme» devient un mot passe-partout auquel on peut y associer presque n’importe quelle définition, tant que ça implique des femmes qui prennent la parole publiquement pour en défendre d’autres (ou pas).
Je m’explique : pour moi, il n’y pas qu’un féminisme, il y a des féminismes. Je vois difficilement des liens entre l’action des Femen à l’Assemblée nationale et les femmes du Conseil du Statut de la Femme (CSF) qui se houspillent pour des questions partisanes. Florian Sauvageau, dans une de ses conférences à laquelle j’ai assisté l’an dernier, disait que certain-e-s chroniqueur-e-s tiennent un plus grand rôle dans les débats de société que la plupart de l’information présentée par les journalistes. Si certains, comme Michel Beaudry, sont haineux sous un couvert «humoristique», d’autres, comme Mylène Moisan mêlent toute la patente :
« Si l’idée était de s’inviter dans le débat sur la Charte des valeurs, elles [les Femen] auraient pu déchirer leur chemise devant la Fédération des femmes du Québec, qui s’oppose à l’interdiction du hijab pour les employées de l’État. Des féministes contre des féministes, voilà qui aurait fait couler plus d’encre encore. »
«Des féministes contre des féministes», vraiment? Elle aurait aussi bien pu écrire «une bataille de pitounes en bikinis dans la bouette» que j’aurais réagi de la même façon. Cette phrase tellement réductrice illustre malheureusement mes propos. Ce n’est pas comprendre les points de vue des différentes féministes qui prennent part au débat sur la Charte. C’est détourner le message des Femen. C’est réduire les féministes à un simple stéréotype. C’est accoler aux féministes la même étiquette, en faisant dire à ma mère : «Mais toi, t’es féministe, donc le port du voile tu es contre ça, hein?» C’est aussi mettre dans le même panier toutes les femmes qui prennent part au débat public sur la Charte, pour des motivations féministes ou non. C’est faire (re)dire aux animateurs de radios-poubelles : «Toutes des folles».
Il y a presqu’autant de féminismes qu’il y a de féministes. Si la Charte veut vraiment se pencher sur l’égalité femmes-hommes et sur nos soi-disant valeurs féministes québécoises, il vaudrait mieux qu’on se pose certaines questions pour comprendre les sens réels du terme. En terminant, j’en profite pour partager avec vous quelques questions que se pose Rosa Pires pour alimenter notre réflexion collective :
«Où sont les valeurs québécoises d’égalité homme-femme du gouvernement québécois, et ce quel que soit le parti au pouvoir, lorsque les femmes autochtones marchent pour dénoncer leur exploitation et leur exclusion? Où sont-elles, ces valeurs, lorsque la Fédération des femmes du Québec se préoccupe du sort des femmes immigrantes et ostracisées pour une représentation juste et équitable en emploi? Où sont-elles, ces valeurs québécoises, quand les femmes autochtones et immigrantes demandent sans cesse d’être incluses dans des discussions politiques féministes qui les concernent?»
Blanche
Beaucoup apprécié! J’aime que soit posé le fait qu’il n’y a pas qu’un féminisme mais plusieurs. Aussi l’explication des raisons pour lesquelles on ne peut mettre toutes les féministes dans le même sac. Et il est important de savoir que nos pratiques féministes nous aident à prévenir le genre de dérapages qu’on voit actuellement sur les réseaux sociaux.
Étrange que cette Mylène Moisan prétend qu’il aurait fallu que les FEMEN aillent « déchirer leur chemise devant la FFQ » alors que c’est le projet du gouvernement.
Et finalement beaucoup aimé la citation de Rosa Pires pour finir. J’ai assisté à une commémoration autochtone cette semaine et je suis très proche de celle des Soeurs par l’esprit, pour les femmes autochtones disparues ou assassinées.
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