De la visibilité lesbienne
La vie d’Adèle, Mémoires vives, Unité 9, Sarah préfère la course, et toutes les oeuvres cinématographiques et télévisuelles québécoises que j’oublie ont quelque chose en commun: rendre visible ce qui ne l’était pas. En effet la prolifération de ces oeuvres, permet de constater que les lesbiennes étaient pratiquement invisibles sur nos écrans jusqu’à récemment. Si, avec les années, on a parlé de plus en plus de l’homosexualité masculine, l’homosexualité féminine était, en quelque sorte, reléguée soit à des oeuvres plus marginales; soit, au monde pornographique où elles étaient utilisées à des fins d’excitation hétérosexuelle.
Heureusement, depuis quelques temps, des personnages homosexuels féminins (un peu) moins stéréotypés apparaissent sur nos écrans. Je ne saurais qu’encourager cela! Car, cette (in)visibilité témoigne d’une chose: on prend pour référence les homosexuels masculins comme représentants de toute la communauté gaie. Encore une fois, « le masculin l’emporte sur le féminin ». Les lesbiennes sont donc marginalisées au sein de la communauté gaie parce qu’elles sont des femmes. Et elles sont marginalisées au sein de la communauté ‘femme’ parce qu’elles sont lesbiennes. C’est ce qu’on appelle l’intersectionnalité des oppressions. Nathalie Petrowsky, au sortir du film Sarah préfère la course, a bien démontré comment on est parfois tenté de s’aveugler volontairement en présence d’une personne qui n’affirme pas haut et fort son orientation sexuelle. Ça, c’est de l’hétérosexisme. Ça consiste en croire que toute personne ne s’affirmant pas gaie est automatiquement hétérosexuelle.
En outre, je salue l’audace et l’initiative de Chloé Robichaud qui désire déconstruire certains clichés et préjugés que l’imaginaire collectif entretien au sujet des lesbiennes avec sa série Féminin/Féminin!. Le premier épisode sorti mardi est très bien réalisé. D’ailleurs, les critiques sont très bonnes (la preuve ici et ici)! Féminin/Féminin est un faux documentaire racontant l’histoire d’un groupe d’ami.e.s lesbiennes ou non qui gravitent autour de Léa (Noémie Yelle) qui a peur de l’engagement parce qu’elle a eu très mal dans le passé. On y verra les histoires d’amour qui font battre les coeurs de ces ami.e.s. Bref, des histoires d’amour, tout ce qu’il y a de plus « ordinaires ». Pour en savoir plus, écoutez Chloé, Eve et Noémie en entrevue à Medium Large.
Je vous invite à écouter le premier épisode et à le faire circuler autour de vous. Si ça peut aider à défaire quelques préjugés: tant mieux (Malgré que je sois sensible aux critiques formulées sur un autre blogue quant au poids de la critique hétérocis sur les oeuvres gaies, j’ose quand même ajouter mon grain de sel sur la sortie de cette websérie)! Féminin/Féminin est une sorte de mélange de The L Word (Show Time – États-Unis / où de jeunes trentenaires riches et célèbres vivent des histoires d’amour dramatiques très hautes en couleur) et de Lip Service (BBC 3 – Royaume Uni / qui raconte les histoires d’amour d’un groupe de la fin de la vingtaine début trentaine d’ami.e.s lesbiennes et hétéros). Une version québécoise (montréalaise) moins dramatique et plus réaliste. Je lui souhaite une belle audience et une plus longue vie que celle de BBC3 qui fut annulée après deux saisons. Toutefois, l’attente sera longue pour les prochains épisodes, qui sortiront en juin seulement (pour participer au sociofinancement c’est par là)!
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Marie-Anne
Caroline, j’émettrais une critique à ta mention de « c’est ce qu’on appelle l’intersectionnalité des oppressions ». Comme concept universitaire – provenant d’une réalité vécue des femmes – l’intersectionnalité ne peut s’appliquer à seulement un seul type d’oppression: lesbienne/femme. La réalité de l’intersectionnalité est que le système oppresseur est une structure oppressive à plusieurs facettes. Il me semble que ta critique manque quelques aspects de l’intersectionnalité.
À mon sens, je suis sceptique du titre de la série, et de certaines questions posées aux comédiennes sur la notion de « féminin ». En plus d’avoir un casting complètement homogène, blanc, classe moyenne et cadrant dans les stéréotypes de beauté, je ne pense pas qu’on va éviter certaines scènes sexy mais pas très réaliste sur la sexualité lesbienne. Une des grandes critique de The L World est que la réalisation est faite pour le « male gaze » – j’ose espérer, comme toi, que ce ne sera pas le cas pour la série de Robichaud, mais tout de même, il n’y a pas de diversité corporelle chez les comédiennes. Quels « types » de lesbiennes rend-t-on vraiment visible dans cette nouvelle série? Qui voit-on évoluer dans des restos, des bars, etc.? Mon enthousiasme est plutôt mitigé: même si Robichaud a de bonnes intentions de montrer la normalité et la banalité de la réalité lesbienne, je pense qu’elle n’innove pas, ni n’ose vraiment quant à la représentation de cette réalité. Rendre visible, c’est décider de montrer et incidemment, de cacher – ce que Robichaud ne montre pas (pas encore, il faut lui laisser une chance) c’est la diversité culturelle, la diversité des identités (genre queers), la diversité socioéconomique (ce sont des lesbiennes montréalaises évoluant dans le Mile-End branché) et la diversité corporelle.
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3brooded
2adherent
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