L’édition, un monde d’hommes?

En 2004, je venais de pondre, dans la plus grande joie, mon premier ouvrage d’humour satirique. Bien sûr, ce n’était pas du tout une œuvre du style « A la recherche du temps perdu », mais une simple amusette, juste pour faire plaisir, à moi comme à de potentiels lecteurs. Je pensais que ma fraiche frimousse de post-ado, mon optimisme et mon côté touche-à-tout allaient jouer en ma faveur. Eh bien, que nenni ! Durant mes trois-quatre premiers mois de prospection, je me suis heurtée au machisme des éditeurs, sans parler de leurs apriori dus à mon métier initial, modèle photo. Plutôt que de passer pour une virago hystérique, je me suis amusée à compiler les horreurs que j’ai entendues et à en faire un faux courrier qui, lui, a eu le mérite de me faire sourire…

Le voici !

 

Chère Mademoiselle V.,

Nous accusons bonne réception de vos deux manuscrits ainsi que de votre CV. Malheureusement, nous nous voyons mal envisager une publication de vos prétendues œuvres. Car, bien plus que cet humour coriace qui sied si peu à une femme et que vous semblez malgré tout revendiquer comme si votre vie en dépendait, c’est votre CV qui nous a plongé dans certaines réflexions quant à votre prétention et votre mythomanie apparentes.

Vous vous dites à la fois comédienne, mannequin et auteur. Or, jusqu’à preuve du contraire, les comédiens, ça joue et ça n’écrit pas. Et en ce qui concerne les mannequins, si elles avaient autre chose qu’un agglomérat de yaourt battu à la place de la cervelle, ça se saurait depuis belle lurette !

Notre directeur de collection a effectué une recherche sur Google au sujet de vos activités « professionnelles », et a été vivement choqué par les articles et les photos qu’il a pu trouver sur votre petite personne. Tout d’abord, ces articles consacrés à votre parcours artistique nous ont semblé bien trop élogieux pour une inconnue de votre espèce. Vous n’avez pas fait la Star Academy, que je sache !?!? Et, question indiscrète, qui avez-vous donc soudoyé de vos charmes maléfiques pour que l’on dise tant de bien à votre égard ?

Ensuite, les photos. Vous avez beau clamer ouvertement votre adhésion à un certain type d’art, évoquant tour à tour Botticelli, la statuaire grecque et le fameux calendrier de Marilyn Monroe, nous ne voyons cependant qu’une jeune femme qui ne paraît guère avoir de scrupules à exhiber son corps entièrement nu ! Malgré cet académisme dont vous faites preuve dans les poses que vous prenez, votre regard provoquant ne nous offre qu’une fenêtre ouverte sur votre âme toute pétrie de stupre et de luxure. Et vous osez vous prétendre auteur ? Sans vouloir jouer les phallocrates, Georges Sand avait de la moustache et Anaïs Nin, du poil aux pattes, ce n’est donc pas une pin-up de votre genre qui va venir nous démontrer ce qu’est une femme écrivain !

Pour toutes ces raisons, nous refusons catégoriquement d’éditer les écrits diaboliques d’une créature telle que vous.

Veuillez agréer nos sentiments les meilleurs.

Monsieur Machin

 

PS : Bien que n’étant absolument pas intéressé par vos œuvres satiriques, seriez-vous cependant disponible pour un 5 à 7 bihebdomadaire pour lequel je ne manquerai pas de vous rémunérer généreusement ?

 

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