À la défense des gais et lesbiennes : Poutine, stéréotypes et aide nuisible
Depuis quelques jours sur le web se multiplient les sorties ayant pour sujet le président russe, Vladimir Poutine, et son homophobie. On cherche à le ridiculiser à coup d’images modifiées, de montages d’images et de statuts Facebook humoristiques. Il m’est venu un questionnement : tout ce mouvement de soutien aux gais (car, nous le verrons plus loin, seuls les hommes semblent être défendus), participe-t-il vraiment à faire avancer leur cause? La façon dont certains s’y prennent est-elle adéquate ?
C’est que, plus tôt dans la semaine, j’ai voulu partager sur Facebook cette image du président Poutine maquillé à outrance, un arc-en-ciel rappelant le drapeau LGBT en arrière-plan.
Elle m’avait fait sourire sur le coup. Puis, en cliquant sur « Publier », j’ai pensé à mes amis gais et lesbiennes. Et je me suis sentie mal.
Mal parce que le message véhiculé par cette face barbouillée, c’est : « Hey! Voici Poutine en homosexuel. » Mais, bien que certains hommes gais se maquillent ainsi, le plus souvent pour un spectacle de drag-queen, de tous les hommes gais que je connaisse, de près ou de loin, aucun ne se présente jamais de la sorte. Est-ce vraiment là le visage du « gai » ? Bien sûr que non.
J’ai donc supprimé l’image de mon mur dans les secondes qui ont suivies, un peu honteuse.
Le chemin qui mène à l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Les quelques images, montages et statuts Facebook qu’il m’a été donné de voir dans les derniers jours dépeignent les gais d’une façon clichée. On cherche à se moquer de la Russie et de sa position homophobe mais, en bout de ligne, ne ridiculise-t-on pas les gais eux-mêmes? Leurs comportements, attitudes et image se retrouvent caricaturés, ce qui perpétue de fausses idées, comme qu’un homme gai s’adonne nécessairement à l’activité de drag-queen et que cette activité est honteuse, ridicule et risible. Je trouve donc cette représentation de Poutine vue plus haut plutôt dégradante pour les hommes homosexuels.
Prenons maintenant ce montage d’images, qui dit qu’on s’attendrait à ce que la Russie accepte l’homosexualité, considérant que la place Rouge a un air encore plus gai que Disneyland.
À mon sens, la connotation du mot gai ici est négative. On ne suggère pas que la Russie devrait accepter l’homosexualité parce que c’est une question de liberté, mais parce que, de toute façon, elle possède déjà cette infrastructure qui a l’air gaie. Mais c’est quoi, être gai ? N’est-ce pas d’être attiré sexuellement par une personne du même sexe que soi ? Alors comment un objet peut être qualifié de gai ? Qui a-t-il de gai dans cette image? Les couleurs ? Pourquoi associe-t-on les couleurs pastel à être gai ?
La représentation de l’homme homosexuel dans ces deux images est celle d’un homme efféminé. On sait pourtant que tous les hommes gais ne sont pas efféminés. Propager ainsi cette image ne fait que renforcer le stéréotype que les militants s’efforcent à faire disparaître. C’est pourquoi je trouve certaines de ces initiatives bien maladroites, même si l’intention est bonne. Car, au final, qu’est-ce qui reste de toutes ces représentations ? Le stéréotype, cette cristallisation d’une image non représentative. Je conçois mal l’idée de caricaturer un groupe oppressé pour l’aider à se sortir de son oppression. Si l’on désire tant un monde meilleur pour les gais, alors on devrait les représenter comme ils se présentent vraiment dans la société : des visages anonymes. Des gens que l’on croise dans la rue, au restaurant, au cinéma, au garage, à l’épicerie, dans la cage d’escalier, dans les partys de famille … Un peu comme l’a fait Google dans la journée de vendredi dernier, journée d’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver 2014. La bannière d’accueil était celle-ci :
Je trouve cette initiative tout à fait réussie. Pas d’hommes efféminés. Pas de caricature. Pas de stéréotype. Que des silhouettes réalistes d’athlètes pratiquant différentes disciplines sportives. Ce sont les couleurs utilisées, reconnues pour être celles du drapeau LGBT, qui nous indiquait le soutien à la cause.
Et les femmes, dans tout ça ?
Ce que j’aime particulièrement de la bannière Google, c’est que des femmes y sont représentées. Dans toutes ces images que j’ai vues, c’est l’homme homosexuel qui était mis en scène. Du coup, on perpétue l’invisibilité lesbienne. Les femmes homosexuelles sont pourtant là, aux Jeux de Sotchi (saluons au passage l’initiative de Yagg qui nous en présente sept). La loi russe pointée du doigt, valide depuis juin 2013, vise à punir tout acte de propagande homosexuelle devant des mineurs. Il s’agit d’une loi qui atteint les droits des femmes tout autant que ceux des hommes. Pourquoi donc ne représenter que ces derniers dans les dénonciations ? À en croire ces images, être gai, c’est être un homme; la femme est oubliée. Non pas par méchanceté (j’ose croire!), mais peut-être simplement par automatisme, par manque de réflexion ?
En bref, lorsqu’on s’attaque aux préjugés, il faut porter une attention particulière à notre propre vision des choses, à nos propres préjugés. Nous venons de le voir, des initiatives visant à défendre une communauté qui fait face à de la discrimination peuvent malheureusement participer à la perpétuation des préjugés dont est victime cette communauté. La bonté des intentions ne suffit pas à faire avancer une cause. Un temps de recul peut être nécessaire pour se demander si la façon dont nous sommes en train de représenter le groupe opprimé plairait à quelqu’un faisant partie de ce groupe. L’exercice devient encore plus éclairant lorsque l’on pense à quelqu’un de notre entourage.
Par Véronique Gosselin
féministe sensible à la production d’images représentatives de la réalité
Héloïse
L’article est bien mais je me permet de relever une phrase irrévérencieuse et qui ne devrait pas se retouver dans un article où l’on parle de l’acceptation des différences: « Leurs comportements, attitudes et image se retrouvent caricaturés, ce qui perpétue de fausses idées, comme qu’un homme gai s’adonne nécessairement à l’activité de drag-queen et que cette activité est honteuse, ridicule et risible. » Vous devriez restez objective sur les « activités de drag-queen » qui sont en aucun cas risible, tout le monde à droit au respect.
Cordialement Héloïse
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Amélie
Héloïse, je crois que ce que l’auteur voulait dire, c’était que «l’activité de drag-queen» est présentée comme honteuse, ridicule et risible et non pas que c’était sa vision. Je pense justement que l’auteure part du fait qu’on ridiculise l’image caricaturée de Poutine maquillé, ce qui amènerait aussi à ridiculiser les drag-queens et que cela n’envoie pas le message approprié. Enfin, c’est de cette façon que je l’ai perçue en lisant l’article 😉
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Sophie
L’article et le propos sont bien, mais j’abonde dans le sens d’Héloïse à propos du dragqueenisme, et irait même plus loin en citant d’abord le texte :
« La représentation de l’homme homosexuel dans ces deux images est celle d’un homme efféminé. On sait pourtant que tous les hommes gais ne sont pas efféminés. Propager ainsi cette image ne fait que renforcer le stéréotype que les militants s’efforcent à faire disparaître »
Il y a ici deux choses problématiques : l’affirmation « les hommes gais ne sont pas efféminés » et l’affirmation « le stéréotype que les militants s’efforcent à faire disparaître. » Dans les deux cas, ce sont des demi-vérités plutôt néfastes, selon moi.
Dans le premier cas, il est certainement faux de dire « les hommes gais sont tous efféminés », mais le contraire est tout aussi fallacieux : certains hommes, gais ou non, sont efféminés. Et il faut non seulement le leur rendre, mais le célébrer, et cela me mène à la deuxième affirmation, puisque le but de la plupart des actions des mouvements queer et trans, entre autres, n’est pas de calibrer ses membres aux standards de la société cisgenre, mais de créer un espace inclusif pour eux, ce qui signifie donc la création d’espaces sécuritaires ou ils et elles pourront s’épanouir, peu importe leur expression, leur identité ou leur présentation de genre.
Alors voilà, la cible est bonne, mais le moyen serait, quant à moi, à retravailler, puisqu’il me semble cissexiste sur les bords.
Merci,
Sophie
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Prune
On sait pourtant que tous les hommes gais ne sont pas efféminés.
Vous avez mal lu, elle a justement précisé que TOUS les hommes gais n’étaient pas efféminés, certains le sont, comme certains hétérosexuels… Vous lui faîtes un procès injustifié.
De toute façon le concept d’efféminé est culturel puisqu’il est associé aux représentations du genre féminin qui seraient adoptés par un homme gay, ou pas. Ça reste très relatif comme jugement d’une personne à une autre… Et ce n’est de toute façon pas quelque chose qui existerait objectivement.
Bref, il n’y a que 2 femmes sur la bannière google pour 4 hommes, je ne trouve pas que la moitié de l’humanité soit représenté de manière suffisement importante, depuis quand y a-t-il le double d’hommes sur terre par rapport aux femmes?
En plus je ne vois pas le rapport, ce n’est pas parce que des femmes sont représentées que cela évoque l’homosexualité féminine, à mions d’assumer que les sportives sont forcément lesbienne ??!!??
Ce sont des sportifs qui sont homo ou hétéro et cela ne devrait pas entrer en considération concernant leur capacité sportive. L’orientation sexuelle ne devrait pas être un critère.
Je trouve la bannière de google bien, sobre, et les couleurs suffisent à faire passer le message de soutien à la communauté LGBT, malgré tout, je ne vois pas pourquoi il n’y a que 2 femmes.
Ensuite, je rappelle que le milieu du sport est un des plus misogyne et que la ségrégation sexuelle y bat son plein.
Les sportives ayant du subir des tests pour savoir si vraiment elles étaient du « bon » sexe et dans la bonne catégorie…
L’exclusion des homosexuels n’est que l’aboutissement de cette mentalité. Rien n’a jamais obligé par exemple à ne pas faire d’équipe mixtes, ou de sports en couple etc. Plutôt que de faire des catégories hermétiques.
De plus, je voudrais signaler le fait que lorsque les femmes se mettent à devenir meilleurs que les hommes dans les sports mixtes, on sépare les sexes afin que cette abomination ne se reproduise pas.
Le tir au pistolet en est un bon exemple, épreuve mixte, elle a cessé de l’être le jour ou une femme est arrivée première devant tous les hommes.
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2promiscuous
3conclusion
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