Mon visage comme un salon de banlieue
(La photo représente la machine à mesurer les défauts du maquilleur Max Factor. Oui ; on se croirait dans Orange Mécanique …)
« Camoufler, cacher, changer, métamorphoser, transformer, atténuer, réduire, corriger, régulariser, réparer, reconstruire, sculpter, reconstituer, purifier, estomper, dissimuler…»
Nous nous croirions aisément dans une émission de décoration où l’animatrice s’en prendrait à un salon de baby-boomers de Brossard. Pourtant, ces mots ont tous été pris sur des emballages de cosmétiques dans une pharmacie. Est-ce que nos visages et nos corps doivent absolument subir de multiples pimpages, telles de vulgaires Honda Civic? C’est ce que les compagnies de produits de beauté semblent vouloir nous envoyer comme message. Nous ne sommes jamais adéquats, il y a toujours quelque chose qui retrousse, un élément à retaper, un «anti-quelquechose» à se procurer ; anti-rides, anti-cellulite, anti-acné, anti-oxydant, et j’en passe. J’en sais quelque chose : cela fait plusieurs années que je suis cosméticienne.
Le miroir déformant que l’on nous impose sans cesse est sûrement bénéfique pour notre société capitaliste ; les grosses compagnies font un maximum de profits en exacerbant nos insécurités et en rentabilisant nos défauts. Ce renforcement négatif combiné aux environnements aliénants où l’on vend des produits de beauté à tôt fait de nous convaincre ; les néons blafards qui font ressortir nos cernes, nos ridules et nous donnent un teint blême et verdâtre, les rayons de magazines (placés savamment près de la rangée des cosmétiques) aux mannequins retouchées et sexy en couverture et aux titres tapageurs…bref, nous sommes convaincues d’avoir absolument besoin de changer, d’améliorer notre apparence afin d’être apte à vivre en société.
Nous ne devrions pas avoir à faire primer la beauté au détriment de la santé ; il est anormal que nous devions surveiller les ingrédients de nos produits pour repérer ceux qui sont potentiellement cancérigènes. Nous devrions exiger des soins sains et sans dangers. Je ne comprends pas que ce ne soit pas la norme et que dans plusieurs pharmacies l’on n’offre aucune alternative naturelle.
Mais pourquoi diable suis-je cosméticienne et maquilleuse si je ne porte plus d’oeillères? Bonne question. Naïvement, j’ai commencé toute jeune à m’intéresser à ce domaine à force de regarder la maquilleuse Carmindy dans la (très intellectuelle) émission What Not To Wear. Carmindy valorisait la femme et faisait ressortir ses plus beaux atouts et minimisait au maximum les produits de maquillage utilisés pour obtenir un look frais, naturel de «moi mais en mieux».
Dans la même lignée de renforcement positif, je rêve d’un «monde cosmétique» où les soins de la peau ne seraient conseillés que lorsque nécessaires ; pour les gens qui souffrent de rosacée, d’acné et d’eczéma par exemple. J’aimerais aussi me servir du maquillage de manière occasionnelle, parce que comme c’est là, c’est exceptionnel que je sorte de chez moi sans mon «masque», et je trouve ça triste et absurde (même si je sais qu’il n’en est [heureusement] pas de même pour tout le monde) . Que l’on ait besoin d’une «Journée sans maquillage» pour apprendre aux femmes à s’aimer« au naturel» (je mets des guillemets parce que le «au naturel» des magazines signifie «éclairage optimal, léger maquillage et retouches subtiles») est une preuve que notre société est fondamentalement malade. Et moi en premier.
Je crois que nous sommes pris dans un cercle vicieux ; nous désirons être belles alors nous consommons, et puisque nous continuons de consommer, les grandes chaînes ne changent pas leurs techniques de vente ni leur approche. Comment briser ce cycle? Comment créer une révolution cosmétologique? Le D.Y.I popularisé par les sites tels que Pinterest serait-il la solution? En démissionnant de mon poste de cosméticienne, j’ai choisi de réfléchir à ces questions, et je me suis promis de trouver une solution qui fonctionnerait au moins pour moi…
BONUS EXTRAITS DE CHANSONS SEXISTES (et simplement ridicules) DIFFUSÉES EN PHARMACIE ;
«J’ai tant cherché à les comprendre
Mais les femmes sont si compliquées
Y a rien à faire à tout prendre
Non jamais j’y arriveraiY a celles qui veulent qu’on soit doux
Des hommes roses, efféminés
Mais si jamais on est trop mous
Elles nous traitent de dégonflésFaudrait qu’on fasse la vaisselle
La bouffe, le ménage d’la maison
Mais aussitôt qu’on l’fait pas comme elle
On a l’droit à un sermon […]»– Si Compliquées, Étienne Drapeau
«Je fais toujours à ma tête comme un homme
Y’a pas grand chose qui m’embête comme un homme
Je suis libre d’aller et faire c’qui me plaîtJ’ai vu neiger avant hier comme un homme
J’ai eu d’la peine et d’la misère comme un homme
Je n’ai peur de rien ni personne!
Comme un homme j’ai mes habitudes
Comme un homme, j’aime la solitude
Comme un homme je ne dis plus rien»– Comme un homme, Marie-Chantal Toupin
Daphne
Il fut un temps où je me maquillais tous les matins. La totale. Avec l’arrivée des enfants, j’ai délaissé les minutes consacrée à ce rituel pour d’autres tâches. Je fais maintenant un minimum, du type ‘léger maquillage et retouches subtiles’ (et surtout rapides). On m’a souvent fait la remarque que j’avais l’air fatigué(ce que je suis d’ailleurs, mais maintenant version nature). C’est un cercle vicieux comme vous dites car lorsqu’on délaisse ainsi ces rituels cosmétiques, qu’on ne s’attarde pas à camoufler/rehausser/atténuer, etc., il peut rester un sentiment de ne pas être à la hauteur. À la hauteur de ce qu’on nous présente, de ce qu’on nous dit qu’il faudrait avoir l’air de…
Je me souviens quand j’étais jeune, je me disais que les hommes n’avaient pas de chance de ne pas avoir accès comme nous au maquillage (réservé aux filles) car s’ils avaient l’air moche, ils ne pouvaient se maquiller pour se rehausser l’apparence. En vieillissant, cela m’ait apparu comme une arme à double-tranchant – nous n’avions aucune excuse nous les filles pour avoir l’air ‘moche’ alors qu’on pardonnait cette ‘tare’ plus facilement aux garçons. Les publicités nous rappelant sans cesse que nous n’avions effectivement pas d’excuse, temps et argent devaient être dévolus en produits de toutes sortes pour nous rendre ‘présentable’. Aujourd’hui, c’est moi qui envie mon conjoint de ne pas vivre ces tracas du miroir – sa toilette prend quelques minutes et le voilà présentable, au naturel, sans qu’il ne ressente ce besoin de devoir camoufler/rehausser/atténuer, etc. quoi que ce soit.
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Anne-Lucie D. Lépine
Oui, mais Marie-Chantal Toupin approuve et se fait complice de la dernière esquisse aux retouches Photoshop lorsqu’il y a une photo d’elle sur un grand poster ou sur la couverture d’un magazine n’est-ce pas… ? Entre « Dire…….et……..faire », il devrait y avoir moins d’espace !
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Van
De un, MERCI! pour les chansons sexistes. Elles me font saigner du nez (métaphoriquement) chaque fois que je travail. Je suis également cosméticienne depuis quelques années, mais mon féminisme grandissant semble de plus en plus en contradiction avec mon travail. J’essais de me convaincre que le maquillage n’est que superficiel, un masque, une folie qu’on se permet pour changer d’allure, mais il suffit que j’oublie mon fond de teint et l’insécurité me prend à la gorge le reste de la journée. Je suis beaucoup plus complexé par mon apparence que je l’étais avant de travailler dans ce domaine, et c’est normal. J’ai beau savoir que toutes les images que je vois régulièrement sont irréaliste et que les messages publicitaires sont des stratégies pour renforcer l’insécurité des femmes et les convaincre d’acheter, à la longue, ça finit par avoir son effet. Comment dire à des femmes » vous avez besoin de maquillage », sans finir par le croire pour soi-même? Sur une note plus joyeuse, je suis ravie du nombre important de clientes qui viennent me voir et ne veulent rien savoir des anti-âges et des gros camouflants, mais cherche simplement une hydratation, une protection, un petit rehaussant tout léger pour « un mariage une fois » parce qu’elle ne se maquille jamais et n’en ont pas envie. Elles ne sont pas très payante, mais elles sont un baume rafraîchissant pour la féministe en moi.
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1colleges
3scaffolding
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