Belle manif féministe salie par la violence policière
Tu m’aurais dit il y a vraiment pas si longtemps que ça que je me ferais un jour violenter par la police, je ne t’aurais pas cru-e. Il y a quelques années à peine, oui, j’entendais parler de violence policière, mais quelque part, je me disais qu’il fallait quand même un peu courir après (ah, la désinformation des médias de masse…)
Puis cette semaine, je suis allée à la manifestation féministe non-mixte des Hyènes en jupons avec près de 500 de mes consœurs. C’était beau. Tout le monde chantait et scandait des slogans des plus comiques : « Noune, noune, nou’ne céderons pas! » , « L’amour oral pour le changement social ! » et d’autres belles perles du genre. L’atmosphère était à la fête. Quelqu’un a même joué Take Five de Dave Brubeck drette live là. Être entre filles, c’était un pur bonheur. C’était la première fois où je me retrouvais dans un espace non-mixte d’une telle envergure. Pardon, plutôt, c’était la première fois où l’ON créait un tel espace non-mixte, où LES FEMMES reprenaient la rue, cet endroit qui mythiquement nous fait peur et l’où nous sommes victimes de tant de violences.
Mais lorsque j’ai fait le tour de la Place Normand-Béthune et que je suis sortie quelques minutes de ce contingent féminin et féministe si plaisant, j’ai vu une réalité tout autre. Nous étions entourées de policiers – à 99% mâles et chauvins. Ils parlaient entre eux des féminisssses sur un ton plus que méprisant. Pire, certains envoyaient à la volée des baisers racoleurs aux manifestantes. (Euh… arke!) Disons que je me suis vite rappelée pourquoi j’avais décidé d’assister à cette manifestation contre l’austérité et contre le patriarcat.
Dès que nous avons quitté le lieu de rassemblement pour commencer la manifestation « tolérée » selon le SPVM tandis que nous marchions (sans itinéraire) dans le sens de la circulation, les choses se sont gâtées. Non seulement y avait-il des policiers, mais on avait dépêché au moins 150 gros bras pour notre petite manif (certains disent 300, moi, je crois qu’au départ, on était sincèrement plus près de 500). À quelques mètres du point de départ, nous nous sommes rendues compte que les policiers nous bloquaient les côtés ouest et nord de l’intersection Guy et Sherbrooke, nous forçant donc à aller en direction est. Cette manif non-mixe ne s’était pas donné d’itinéraire; nous voulions le créer nous-mêmes, sans que des hommes militants le décident pour nous. Au lieu des militants, ce fut le SPVM qui nous dicta la direction de nos pas : « Vous allez à droite, ensuite encore à droite puis vous revenez sur vos pas. Nous, hommes, nous policiers, nous allons décider pour vous, femmes citoyennes, où vous allez. » C’était parlant!
(Crédit photo: Alex Bailey – Concordia Link)
En tant que militante aguerrie, je n’en suis pas à mes premières manifestations. Et jamais je n’ai vu une telle dictature de l’itinéraire par le SPVM. Et il fallait que ce soit pour une manifestation féministe en plus. Ouf. Puant de patriarcat. Mais bon, nous avons gardé notre calme et nous nous en sommes tenues à scander que ce n’était pas les policiers qui allaient nous dire quoi faire.
Puis soudain tout part en couille.
Une fille à côté de moi est à genoux par terre et une autre lui nettoie les yeux avec de l’eau. Une odeur de poivre de Cayenne flotte dans l’air. Des cris fusent : « Libérez nos camarades! Libérez nos camarades. » Le SPVM avait frappé. Personne ne savait rien sauf que des femmes avaient été poivrées et d’autres emmenées. Pourquoi? Tout allait pourtant si bien. Les esprits se sont échauffés. Nous avons continué à réclamer qu’on libère nos camarades et qu’on cesse toute violence à notre égard.
Le SPVM n’a pas aimé. Il a soudainement déclaré la manif illégale. Bien que nous ne marchions plus et que nous étions rendus un attroupement de militantes préoccupées de la santé et de l’état de nos consœurs. Les femmes, que le patriarcat aime dociles et tranquilles, commençaient à leur tomber sur les nerfs parce qu’on ne s’en laissait pas imposer. Ils ont amené leurs goons. L’anti-émeute est arrivée avec ses boucliers et a foncé dans le tas. (Images de GAPPA de la manif du 7 mars 2015.)
Gaz lacrymo.
Bottes qui martèlent le pavé.
Grenades assourdissantes.
Matraques qui frappent militairement les boucliers.
Ordres lancés sèchement et bêtement.
(Crédit photo: Toma Iczkovits lors de la manif du 27 mars 2015 – même contingent policier lors du 7 avril)
Ils ont renversé une fille à vélo. Des femmes pleuraient à gauche et à droite de moi. Tout le monde a peur. Certaines ont mal.
« VOUS AVEZ L’ORDRE DE VOUS DISSIPER!! », nous lançaient-ils périodiquement à la tête entre deux canisses de gaz lacrymogène et violents coups de bouclier dans le dos.
ON ESSAYE, TABARNAK!
Mais ils nous suivent. On marche sur le trottoir. Pacifiquement. Tout le monde cherche ses amies. C’est la confusion totale. Et j’ai l’anti-émeute à quelques centimètres derrière moi. Je ne comprends pas pourquoi ils nous suivent et nous poussent et nous hurlent après de courir! « PLUS VITE! AU PAS DE COURSE! » comme si on était dans l’armée, comme si on était des chiens. Je me retourne, BANG! Je vois le matricule 59XX (on a jamais réussi à voir les derniers chiffres), crisser coup après coup de bouclier à mes deux amies qui, comme moi, ne faisaient que marcher. L’anti-émeute nous poursuit, nous tabasse et nous donne des coups DANS LE DOS de façon totalement GRATUITE pour aucune raison. La manif était finie. Nous nous en allions.
Aucune manière de nous échapper. On est entourées. Je me dis : « Merde, ils veulent nous embarquer, c’est pourquoi ils nous font courir jusqu’au fourgon. » Mais non, direct devant le Ritz Carleton, le peloton qui accompagne mon groupe d’une douzaine de manifestantes nous plaque face première contre le building. Je mange plusieurs coups de bouclier. J’ai trois gros bras autour de moi qui me crient après : « DÉGAGE!! » Et moi qui leur crie que je peux pas parce qu’ils me bloquent la seule issue possible.
Chaos. Un dernier : « Rentrez à ‘maison! » des gros porcs et puis c’est fini. Nous sommes libres. Hébétées. Sur le trottoir, nous ne sommes plus qu’une demi-douzaine. J’ai perdu toutes mes amies. Une étrangère est en pleurs. Je vais vers elle. Je lui demande si elle est correcte. « Non… J’ai tellement eu peur!! » « Normal, que je lui dis. Pleure. » La seule raison pour laquelle je ne suis pas dans le même état qu’elle, c’est que je suis en tabarnak.
Je ne comprends pas.
Je ne comprends pas comment des êtres humains peuvent s’en prendre aussi gratuitement à des femmes marchant pacifiquement sur un trottoir en leur donnant des coups DANS LE DOS alors qu’ils leur ont intimé de partir TOUT EN LES EMPÊCHANT DE LE FAIRE! C’est pas la première fois que je vois l’anti-émeute frapper, mais c’était la première fois où on me frappait, moi et mes amies, et où je voyais à quel point c’était tellement fucking gratuit.
Et je ne comprends pas pourquoi nous acceptons, en tant que société, de tels actes. Je ne comprends pas pourquoi nous entérinons cette violence policière politique à mêmes nos impôts. Parce qu’en restant silencieuses, c’est exactement ce que nous faisons, nous les laissons nous BATTRE!
Citoyennes et citoyens, j’aimerais que ce texte vous mette en beau calvaire parce qu’on ne peut plus se permettre de fermer les yeux et de se dire que ça n’arrive pas, que ça n’arrive qu’à des méchants, que c’est correct. Que l’on soit pour ou contre une grève, une manifestation, peu importe, nous devrions toujours être contre la violence et surtout provenant d’un service policier.
Des amies me disent : « C’est justement la raison pour laquelle je ne veux plus/pas manifester. J’ai trop peur de la violence. » Eh ben, maudite marde, ils ont gagné. Je déplore à quel point ces techniques d’Hommes de Cro-Magnon ont marché. Je ne peux pas le tolérer. Je refuse de laisser la violence nous empêcher de revendiquer ce qui nous tient à cœur. Je refuse de faire partie des solidaires de salon. Je refuse que le patriarcat gagne toujours!
Et savez-vous quoi? Je garde de cette manifestation un souvenir impérissable, et je ne parle pas ici des beaux bleus qui décorent aujourd’hui mon bras droit, mais de celui de la solidarité féminine. J’ai vu de superbes moments d’entraide entre militantes. Nous nous sommes épaulées entre inconnues. Nous étions UNE. Nous étions belles.
Je souhaite de tout cœur que ce témoignage vous aura choqué-e. J’espère aussi que vous n’allez pas abdiquer. Plus de 24 heures après les faits, je suis encore en tabarnak et j’espère le rester encore longtemps. JE ME SOUVIENDRAI. J’espère que vous aussi.
Francois
Merci pour ce texte très bien écrit qui me conscientise sur la situation, particulièrement l’importance pour les femmes de cette manifestation non-mixte, que je ne comprenais pas vraiment. Je pense que les policiers sont brutaux, mais qu’il ne faut pas oublier que cette brutalité traduit physiquement et concrètement la brutalité du gouvernement. Je pense que les policiers répondent aux orders et que oui, ce sont eux qui frappent, mais qu’ils ont l’appuie des autorités en place pour le faire. Bon courage pour la suite des choses.
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Louis
Tu as raison François, tout porte à croire depuis le début de ces mouvements contestataires que les autorités politiques non seulement entérinent cette violence mais l’encourage. Bravo à ces femmes pour leur courage!
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Élaine
Bien d’accord avec l’avis de François. Bon courage pour la suite!
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Louis
Vous êtes courageuses fortes et capables. Ne vous laissez pas intimider; le mépris et la violence ne gagneront pas!
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Valérie Dubois
Vous devriez prendre en photo chacune de vos blessures et faires un recours collectif contre la ville de Montréal et le service de police!
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Frédérik Morin
C’est un très beau témoignage, merci. Par contre, je crois qu’il ne faut pas oublier que les policiers agissent ainsi avec les étudiants qu’ils soient femmes, hommes, ou indéterminés à leurs yeux. Tous les opposants au pouvoir actuel y passent cette fois.
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Patricia
Je me demande si il y a pas moyen de faire une plainte pour assaut avec lésion corporelle comme on pourrait faire envers n’importe qui qui nous fait du mal ?? C’ est quand même un délit criminel , non ?
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Aida
À qui tu veux te plaindre quand c’est la police qui te tabasse? Tant qu’ils ne touchent pas à des riches ou des célébrités, de grâce!
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Frederic
Tu peux intenter un recours a la Cour des petites créances. Tu as droit de demander des dommages allant jusqu’à $ 15000. Prépare des photos de tes lésions et explique ce qui s’est passe en relatant des faits.
Voici le site de la cour ou tu peux remplir ta poursuite a l’aide des formulaires:
http://www.justice.gouv.qc.ca/francais/publications/generale/creance.htm
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Ingrid
En France, nous vivons souvent cela. Je ne l’ai jamais connu sur des manifs féministes, mais contre l’extrême droite ou sur des manifestations pour l’éducation oui, et tant d’autres.
Il nous faut nous protéger pour que personne n’ait peur de manifester.
Ici, nous avons des services d’ordre de manifestations pour protéger celles et ceux qui défilent.
S’auto organiser pour se protéger des violences policières est plus que nécessaire.
La Police défend le pouvoir, et quand des manifestant-es défient le pouvoir, le pouvoir, à travers la police, démontre que c’est lui seul qui a raison…
Bravo à vous les québecoises, les québécois, de tout ce que vous faites, vous dites, vos expressions dans les rues, dans les facs, sur vos blogs, partout.
Merci
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Louis
Vous faites ça comment? Les manifestants se paient un service de gros bras pour faire contrepoids aux services de « l’ordre « ?
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Deveraux
Couverture de la manif version Pérusse.
https://soundcloud.com/fran-choi-perux/feministes-guy-nantel
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Evelyne
J’étais à cette manif où l’anti-émeute était particulièrement agressive et violente. C’est malheureux, je crois qu’ils (et la poignée d’elles) s’en sont donné à cœur joie, seulement parce c’était une manif non-mixte. J’étais devant le Rizt Carleton au même moment, seulement, un peu en avant. On a pu s’en sortir en ramassant celles qui étaient tombées par terre sous les coups des policiers. J’ai accroché mon amie et on est sortie de là. On était six à s’être regroupées sur le coin pour tenter de savoir comment allaient les autres qui n’avaient pas eu cette chance. Trois anti-émeutes sont venus nous crier de circulez, matraques à la main. Trois flics pour six filles calmes, pacifiques et inquiètes. Nous sommes parties à contre coeur. Une de mes amies a été arrêtée ce soir-là. C’est depuis cette manif que j’ai peur de la police, que je surveille autour de moi s’il n’y a pas une voiture ou un regroupement de policier-ère-s. Ça ne m’empêche pas de manifester (même si ce droit n’est qu’un leurre, on a plus le droit à la parade encadrée), mais je suis définitivement plus inquiète, mais aussi plus solidaire.
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Peter Bu
« Je crois qu’ils (et la poignée d’elles) s’en sont donnés à cœur joie, seulement parce c’était une manif non-mixte. » Les choses ne seraient-elles plus claires si vous écriviez « parce c’était une manif de femmes »?
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D’après tous ces témoignages les policiers n’ont pas fait leur travail de maintien de l’ordre mais ont abusé de leur force de mâles armés pour se comporter en machos. Si vous avez cette impression, dites-la et faites comprendre à ces hommes que le modèle « macho » sera privé de femmes.
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Pour commencer, ce message ne pourrait-il pas être porté par leurs femmes et peties-amies? (Si vous cherchez l’inspiration, voyez du coté de « Lysistrata » d’Aristophane.)
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