Les licornes, c’est pas près d’exister!

La direction de la GRC est blâmée. GRC comme dans Gendarmerie Royale du Canada, rien de moins! Et ce sont ses plus hautes instances qui se trouvent sur le banc des accusés – elles qui ont pour devoir de protéger nos droits et d’assurer notre sécurité indépendamment de notre origine, de notre genre, de notre langue, de notre religion… (vous connaissez la chanson). C’est qu’on a un problème qui n’est toujours pas résolu et qui, selon toutes les apparences, n’est pas en voie de l’être à la GRC : les personnes qui prennent les décisions sont les mêmes qu’avant, et ne changent pas leur « culture » (façons de penser et façons de faire).

Dès lors, il faudrait – entre autres résolutions – recruter des experts à l’externe afin de séparer le recrutement et l’administratif de l’interne pour le donner au civil… Mais je vais un peu trop vite. De quoi accuse-t-on, et à répétition, la direction de la GRC? Roulements de tambours… D’ignorer, jusque dans son giron, les plaintes pour harcèlement sexuel.

Slow. Clap.

Commençons par le début. Il était une fois, en 2012, des centaines de femmes qui portaient plainte jusqu’en Cour contre la GRC. Carrément. Il s’agissait d’un recours collectif pour discrimination et harcèlement sexuel au travail. Autrement dit, des femmes qui travaillaient pour l’emblème de la noblesse et de la sécurité au pays, qui devaient certainement croiser des cas de violences sexuelles sur leur quart de travail en étaient elles-mêmes victimes de la part de leurs collègues masculins, avec la complicité qu’était l’indifférence de leurs supérieurs devant leurs plaintes. Odieux comme on en voit peu. Au total, ce sont 362 agentes de la paix à qui on a fait la guerre parce qu’elles étaient… des femmes. Et cela, partout au pays. Les faits reprochés allaient des blagues sexistes en passant par les commentaires et allusions à caractère sexuel jusqu’à l’intimidation, la discrimination et même l’agression sexuelle.

Réaction de la GRC? Tout.nier.en.bloc. La classe. Quelle reconnaissance pour ces femmes compétentes et dévouées! Ces femmes ont subi une injure innommable de la part de leur employeur. Résultat? Les unes sont tombées en dépression, les autres ont vu leur carrière ou leurs relations amoureuses anéanties, quand elles n’ont pas littéralement tenté de s’enlever la vie… Mais du côté du boss, personne pour admettre les faits. Personne pour reconnaître que sur 362 victimes potentielles, il y avait peut-être un problème, un fond de vérité. Personne pour offrir une épaule, un mouchoir, que sais-je, un semblant de dignité à ces femmes!

Non. Et cette histoire faisait trop de bruit. Elle donnait mauvaise presse à l’accusé. La royauté et la nation en étaient entachées. Et que dire de l’image de la sécurité nationale… Oui, l’image. Car il ne s’agit sans doute que de cela. Il valait mieux sacrifier 362 êtres humains que de salir un symbole. Que valent 362 vies, hein? Mais la GRC a été contrainte de dire quelque chose, de poser un petit geste…

C’est ainsi qu’en 2016, on apprenait que son commissaire, Bob Paulson, offrait ses « excuses » aux victimes. Des excuses assorties d’une somme de 100 millions de dollars. Eh oui. Des recours collectifs ont été abandonnés, des ententes « à l’amiable » ont été signées, et nous sommes repartis vers le pays arc-en-ciel et parfumé des roses et des licornes. Parce que c’est bien connu : quand on cultive une si belle culture du viol en son sein, il suffit de s’en excuser et de payer la note pour repartir à zéro, non?

Eh bien non. Car coup de théâtre! En janvier dernier, on apprenait qu’un recours collectif pour harcèlement sexuel contre la GRC pourrait désormais regrouper plus de 20 000 femmes! 20 MILLE! Et on ne parle même pas des civiles. Toutes des employées! La job de rêve, quoi. Mais que s’est-il donc passé entre 2012 et 2017 à la GRC? N’a-t-on pas, ne serait-ce que pour le portefeuille du contribuable qui finance ce service public qu’est la gendarmerie Royale du Canada, réalisé combien il est onéreux d’ignorer la loi quand on prétend la représenter? Peut-être que 100 millions, à l’échelle du Canada, c’était une bagatelle après tout…

Hélas! … Combien de fois hélas… Les ondes de Midi Info de Radio-Canada nous apprenaient le 15 mai dernier qu’un autre rapport «accablant» reprochait à la GRC de ne rien avoir changé à ses mauvaises habitudes, au point de mettre la sécurité de certaines personnes en danger; un rapport qui demandait au gouvernement d’intervenir. «Accablant» est presque un euphémisme à ce stade de l’horreur. On a dépassé la maladresse, l’ignorance, l’insouciance, et même la mauvaise foi. On en est à l’intention criminelle :  celle de restreindre les femmes victimes de harcèlement sexuel au silence.

Je souhaite donc que le recours des 20 000 plaignantes atteigne son but en Cour, et sans possibilité pour la GRC et ses représentants de se défiler.

Dans un prochain coup de gueule, je pourrai aborder un autre point fort de notre sécurité nationale : la parodie que semble en train de devenir l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Après avoir pris connaissance de cet autre scandaleux dossier, on réalise que les licornes, c’est pas près d’exister.

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