L’informatique, une affaire de femmes?

La mixité croissante du marché du travail et la meilleure qualification des femmes n’ont pas empêché le maintien de fortes différences entre les emplois des hommes et ceux des femmes. Aujourd’hui, ce constat est toujours visible et certains métiers ont conservé cette construction genrée. Les femmes ont l’apanage des emplois plus ou moins stables dans des secteurs variés (secteur de l’administration publique, du social et de la santé). Ces mêmes secteurs incarnent et valorisent des « qualités féminines » indispensables pour réaliser ces métiers. Si l’on en croit l’Observatoire des inégalités, les femmes se répartissent, respectivement de la manière suivante : 97 % des aides à domicile et des secrétaires, 90 % des aides-soignants, 73 % des employés administratifs de la fonction publique ou encore 66 % des enseignants sont des femmes.

Ces quelques chiffres nous amènent à interroger l’occupation des femmes dans les métiers techniques et plus particulièrement ceux de l’informatique. À partir des années 1980, de plus en plus d’hommes choisissent cette filière alors que sur la même période de temps, le nombre de femmes diminue. Alors, où sont passées les femmes?

Les métiers de l’informatique : de quoi parle-t-on?

Très diversifiés, les métiers de l’informatique sont également soumis à des évolutions multiples et rapides sous l’impulsion des nouvelles technologies. De nombreuses nomenclatures se sont penchées sur la question (Insee, syndicat professionnel SYNTEC etc.) mais sans réellement apporter une nomenclature stabilisée et unique. Sous le terme des « métiers de l’informatique » sera regroupé l’ensemble des métiers traditionnels de l’informatique, des télécommunications et de la filière électronique (hardware) qui participent à la conception, au développement et à la maintenance des solutions matérielles et logicielles.

Quelques repères historiques…

 Mais où sont passées les femmes? On compte, en 2011, 1 femme pour 10 hommes dans les métiers de technicien, de l’informatique et des télécoms.

Historiquement, les femmes représentaient la majorité du vivier dans ce domaine : sa proximité avec les mathématiques permettait à des mathématiciennes de s’y intégrer. La progression des femmes dans l’informatique a été sensible jusque dans les années 80, puis s’est inversée, jusqu’au taux de féminisation très faible que l’on connaît aujourd’hui.

Si l’on retourne quelques années en arrière, l’informatique et ses différents métiers associés, dans les années 50, étaient plutôt considérés comme féminins, car peu qualifiés (par exemple, programmer n’était pas considéré comme une tâche intellectuelle; c’était la continuation du métier de calculatrices, femmes qui effectuaient les calculs).

Ce fait se modifie peu à peu avec la naissance des outils informatiques (1970) qui sont rapidement associés à la machine à écrire; outil qui était attribué aux femmes, car il était perçu avant tout comme un instrument de bureau relevant du secteur tertiaire. Ainsi, l’informatique faisait maintenant partie des métiers socialement acceptables pour une femme technicienne, car relevant du secteur tertiaire.

En 1983, les femmes sont largement représentées dans la famille des « employés et opérateurs informatiques » (84.6 %). Ce chiffre chute à 55 % pour cette même catégorie en 2011. Cette logique se reproduit également dans la famille des « techniciens de l’informatique et des télécoms » avec une part des femmes s’élevant à 19 % en 1983 et 11 % en 2011.

La faute à l’école?

Si le travail est sexué tout comme les savoirs et les compétences, qu’en est-il de l’orientation scolaire?

Si l’on se base sur les écrits de la sociologue, Marie Duru Bellat, il en résulterait d’une stratégie/choix d’orientation opérée (plus ou moins consciente) par les filles. Aussi, l’auteur explique que les choix scolaires seraient la conséquence d’une autosélection négative de la part des filles. Toujours selon cette auteure, les filles s’autocontraignent et s’orientent ainsi massivement vers des filières et emplois leur laissant du temps libre et/ou pour la famille, mais généralement moins bien rémunérés. Par conséquent, les filières et sections empruntées par les filles et les garçons sont très différenciées.

Autrement dit, cette stratégie d’orientation en place dès le lycée (lors du passage dans le cycle général ou technologique, à la fin de la seconde) préfigure de la division du travail et de la différenciation (verticale et horizontale) observée dans l’emploi :

graph-informatique

La part des femmes dans les différentes branches atteint difficilement les 40 %. Ce résultat est donc lié au déséquilibre quantitatif entre les genres dans les différentes filières de formation.

Elles en pensent quoi les filles? Une représentation stéréotypée de l’informaticien

Les hommes se sont engouffrés rapidement dans le domaine de l’informatique excluant, de ce fait, les femmes. Ce phénomène d’exclusion se trouve renforcé par les images et les représentations associées aux métiers de l’informatique. Progressivement, la figure du « programmeur », voire même celui du hacker est devenue légitime, devenant quasiment la norme. Être informaticien-ne, c’est « faire du code », « trifouiller sur son ordinateur H24 ». Pour autant, si l’on se base sur la définition de ces termes, les images sont peu flatteuses : le programmeur est souvent décrit comme une personne « brillante en terme de technique », mais « asociale et incapable de travailler en groupe ». De ce fait, les femmes ne s’identifient pas et se détournent de ces filières. À cela s’ajoute une relative méconnaissance du métier par les femmes : seule la moitié des lycéennes interrogées connaît les différentes familles de métiers du numérique et de l’ingénierie. Ne pouvant pas s’exprimer sur les missions réalisées dans ces professions, les femmes ont recourt aux stéréotypes.

De nombreux efforts restent à fournir pour pouvoir intégrer durablement les femmes dans les métiers de l’informatique. Les acteurs éducatifs et professionnels doivent réellement se saisir de cette question et sensibiliser le public féminin aux enjeux de l’informatique (visibilité sur les formations et débouchées, informations sur les métiers).

L’enjeu est d’autant plus important lorsque l’on sait que ce secteur prévoit une hausse des effectifs pour les différents domaines informatiques (numérique, technique et ingénierie). En effet, les travaux de prospective des métiers et qualifications indiquent une forte création d’emploi à l’horizon jusqu’en? 2022.

 Par : Clam780.

 

Sources :

Marie Agnès Enard, L’informatique se conjugue au féminin, Le Monde, Février 2017.

Secteur numérique : où sont les femmes?, Syntec numérique, Mars 2008.

Isabelle Collet, Comment l’informatique a-t-elle attrapé un sexe, La vie de la recherche scientifique n° 367, Novembre/décembre 2006.

Isabelle Collet, La disparition des filles dans les études d’informatique : les conséquences d’un changement de représentation, Carrefour de l’éducation n° 17, 2004.

Françoise Vouilot, L’orientation aux prises avec le genre, Travail, genre et sociétés n° 18, 2007.

Le secteur du numérique et ses métiers, Pôle emploi, Avril 2016.

La répartition des hommes et des femmes par métiers, une baisse de la ségrégation depuis 30 ans, DARES n° 79, Décembre 2013.

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