Lettre à tous ceux qui tombent des nues

EDIT: Suite à la réception d’une demande particulière et de commentaires ci-dessous, Je suis féministe -avec l’accord de l’autrice- a modifié le titre et les références dans le texte. Le tout dans le but de laisser plus de place aux propos tenus et éviter la personnification.


À tous ceux qui tombent des nues,

Toi qui, les yeux hagards, vois défiler le cortège de hashtags sur ton fil d’actualité, toi qui dis te sentir choqué, déçu, bouleversé, trahi, toi qui, maintenant que le chat est sorti du sac, a été rasé, éventré et dépecé, te scandalises et veut qu’on te dissocie de lui, je veux te dire que tu ne fais pleurer personne.

Non, tu n’es pas naïf, tu n’es pas aveugle non plus. Tu es complice. Complice de tous les chats qui ont déjà été et qui sont encore confortablement installés dans leurs sacs.

Complice, parce que même devant une situation d’une telle ampleur, tu trouves le moyen de jurer que tu ne savais pas, que tu n’as pas vu, que tu n’as pas été témoin, que tu n’as pas. Jamais. Ni une blague sexiste, ni le malaise des femmes alentour, ni le rire jaune, ni la dédramatisation automatisée, ni les ouïes-dire, ni les non-dits, ni les regards, ni les gestes, ni la peur, ni les absences, ni les renvois, ni la servitude des femmes, ni leur fugacité, ni l’omniprésence des hommes, ni leur pouvoir, ni leurs abus.

Complice, parce que tu n’as pas cherché à savoir. Parce que tu n’as pas posé les bonnes questions, parce que tu n’as pas questionné les bonnes personnes. Parce que tu n’as pas creusé quand on a sous-entendu, que tu n’as pas écouté quand on t’a dit, que tu n’as pas agis quand tu as vu. Parce que tu t’es mêlé de tes affaires. Parce que ce n’était pas si grave, que c’était juste une fois. Mille fois juste-une-fois. Parce que la force du nombre n’a pas pesé dans la balance avant qu’il ne se transforme en mouvement de masse tellement compact que tu n’as pas eu le choix de le laisser t’emporter avec lui.  

Complice, parce que tu as protégé tes intérêts avant de protéger les victimes. Parce que tu ne t’es pas étonné qu’il te soit aussi facile de gravir les échelons, tandis que les femmes autour, elles, restent en bas. Parce que tu as profité des avantages que te confère ton boy’s club. Parce que tu es solidaire de ses membres aussi longtemps qu’ils ne sont pas lynchés publiquement. Parce que tu suis son mouvement, que tu dénonces quand les autres dénoncent, que tu te tais quand les autres se taisent, que tu ris quand les autres rient, que tu participes quand les autres participent. Parce que tu ne vas au front que lorsque tes intérêts sont menacés, parce que tu ne te sens pas concerné quand ceux des autres le sont.

Complice, parce que tu pointes du doigt, parce que tu détournes l’attention du véritable problème. Parce que tu te réjouis qu’on ait épinglé le vrai coupable, alors qu’il y a encore tant de chats, tapis dans l’ombre de ceux qu’on a crucifiés sur la place publique, qui continuent d’agir sous ton nez en toute quiétude. Parce que tu oublies qu’on est tous un peu chat, qu’il y a autant de coupables qu’il y a de victimes, et que tu en fais probablement partie. Parce que tu oublies que les chats voient dans le noir, que ce n’est pas l’ombre qui déguisent les agresseurs, mais les paupières que tu choisis de fermer sur eux, et sur toi-même.  Parce que tu refuses de tirer une leçon de ce qui arrive. Parce que tu te justifies, au lieu de t’excuser.

Complice, parce que tu refuses d’admettre que tu fais partie du problème. Que tu refuses de comprendre que le flot de dénonciation qui a lieu devant tes yeux n’est pas plus subtil que les gestes qu’il dénonce, gestes que tu continues de jurer ne pas avoir vus. Parce que tu fermeras à nouveau les yeux quand les hashtags se tairont, jusqu’à la prochaine crise, quand tu nous diras encore que tu as été naïf mais de bonne foi. Parce que tu te donnes le droit d’oublier, comme tu as oublié que tu étais Charlie, Paris, et les autres. Parce que tu es solidaire seulement quand tu es certain que tu n’as rien à perdre, ou pire, tout à gagner.  

Ce qui me chagrine, dans le fait que tu tombes des nues, que tu me dises que tu n’as rien vu, c’est que je comprends que tu ne sais toujours pas ce qu’il y a à voir. Que tu ne sais toujours pas ce que les femmes vivent, ni quoi faire pour mettre un terme à la problématique que pourtant tu dénonces.

Je ne doute pas de ta bonne foi. Je ne doute pas de ton désir de vivre en harmonie avec les gens qui t’entourent. Je doute seulement qu’en te présentant toi-même comme une victime collatérale qui tombe des nues alors qu’on te révèle le sexisme, la violence ordinaire et la violence sexuelle qui se produisent quotidiennement sous tes yeux, ça ne te rende pas plus apte à les reconnaître et à nous aider à y mettre un terme.

J’aurais préféré que tu me dises : « Oui, j’ai vu, mais je n’avais pas compris. Je n’ai rien fait, et je m’en excuse. Mais ça n’arrivera plus. » J’aurais préféré que tu aies le courage d’admettre que tu aurais pu en faire plus. Que tu me dises que tu vas en faire plus.

Parce que nous sommes tous, hommes comme femmes, responsables de la société dans laquelle on évolue, et qu’il est temps que chacun ait le courage de la faire évoluer, elle aussi. Parce que ça en prend, du courage, pour aller à l’encontre de l’ordre établi, même lorsqu’il est nocif. Ça en prend, du courage, pour dénoncer, comme le font actuellement les femmes. Ça en prend, du courage, pour changer les choses.

À tous ceux qui tombent des nues, je vous souhaite de trouver ce courage qui vous permettra de faire partie de celleux qui n’ont pas besoin d’un hashtag pour agir, celleux qui interviennent lorsqu’iels sont témoins de sexisme, peu importe le contexte, qui s’y opposent même quand il y a un prix à payer, même quand il y a des sacrifices à faire, même quand il n’y pas personne pour regarder et pour applaudir. Celleux qui préfèrent préserver l’intégrité des membres de sa société que l’indifférence tranquille de celle-ci, et qui savent que si on ne fait pas partie de la solution, on fait partie du problème.

À celleux-là, enfin, je vous dis merci.

9 Comments

  • Nadia Gosselin
    24 octobre 2017

    Je voudrais juste dire merci aux hommes qui, dans la foulée du #MoiAussi, se montrent solidaires de la cause des victimes, lesquelles sont — on le sait — bien souvent des femmes. J’ai lu avec tristesse ce billet qui accuse les hommes en général d’être complices, quoi qu’ils disent ou ne disent pas. Autant de récriminations me désespèrent. Ce texte quant à moi ne révèle que la hargne de son auteure et ne fait avancer en rien la cause du féminisme. Ne creusons pas des fossés alors que nous sommes appelés à construire des ponts. Que nous soyons homme ou femme, nous sommes TOUS partie intégrante de ce problème qui en est un de société.

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  • Janick
    24 octobre 2017

    Ce texte aurait été pertinent si ce n’était du titre où on nomme une personne pour s’en servir de « punching bag ». On se doit de dénoncer ceux qui ferment les yeux devant les comportements de « mon’oncle cochon », on doit se sensibiliser soi-même afin qu’on soit prêt à s’interposer lorsqu’on est témoin d’un tel comportement. Par contre, à moins que l’auteur de ce texte connaissent vraiment Laurent Paquin, elle ne devrait pas le viser personnellement. C’est non seulement diffamatoire mais immoral et ça fait perdre toute crédibilité à l’auteur, ce qui est regrettable.

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    • Pop the banished one
      24 octobre 2017

      Quelle crédibilité? On parle de « l’illumination » ici…

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    • dupras
      24 octobre 2017

      J’ai pensé la même chose et moi je le connais Laurent, depuis plus de 20 ans et ça me b;esse profondément que ce soit de lui qu’on se serve à titre d’exemple alors qu’il est probablement le plus doux et respectueux de ce métier. Et ne je crois pas que nommer les gens soit la solution, c’est le problème qu’il faut adresser, pas les individus un à un. #my2cents

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    • Louis Poirier
      25 octobre 2017

      D’autant plus que cette personne signe d’un pseudonyme !!

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  • D.VARIN
    24 octobre 2017

    Ceux qui savaient et ont rien fait …sont complices…alors ceux-ci devront assumer leurs responsabilités. Le silence n`est plus de mise.

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  • dupras
    24 octobre 2017

    Pour être de ce milieu depuis 1996, , des Laurent il y en a plein et si y’en a qui s’en est probablement pas rendu compte, eh bien c’est bien lui. Mais les autres, les autres… Je ne suis pas allée à cette réunion malgré mes 20 ans en humour parce que jamais on ne m’a écoutée quand j’En parlais, quand je dénonçais, et que je ne voulais pas voir les visage hypocrites de « Je n’en reviens pas » alors que presque tous savaient. Mais en effet, s’attaquer à Laurent, c’est vraiment pas de bonne guerre, un gars droit, sensible et qui a toujours été plus que correct avec tout le monde de ce milieu, hommes comme femmes.
    .

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  • martin dufresne
    31 octobre 2017

    Il me semble que si Paquin a assumé de dire qu’il tombait des nues, il est (était) logique de lui répondre en le citant.

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