Le Summum… de la déprime

Ce billet a été tout d’abord été publié sur kickaction.ca.

J’étais au dépanneur l’autre jour, devant l’étalage des magazines (pour faire changement), et un titre en particulier m’a pratiquement sauté au visage. Summum Girl. Ouille!

Vous connaissez Summum? Vous savez, ce mag pas particulièrement édifiant qui s’adresse aux jeunes hommes comme si les seules choses qui comptaient pour eux c’était flasher et faire passer le plus grand nombre de filles dans leur chambre à coucher? Bonjour la masculinité classiste, sexiste et hétéronormative! Vous comprendrez donc que j’ai fait le saut lorsque j’ai aperçu cette nouvelle publication sur les rayons. Avait-on vraiment besoin d’un pendant féminin à cette ordure?

Mais j’étais tout de même curieuse. Parce que rien qu’à apercevoir la couverture du plus récent numéro, je savais qu’on allait y parler de sexualité (hétérosexuelle).

Des gars en chest, des titres comme « L’ABC du sexe au téléphone »… En toute naïveté, j’espérais que Summum Girl vienne à tout le moins un peu contrecarrer cette couverture médiatique généralement très « fleur bleue » de la sexualité féminine. Celle du type « les femmes sont plus excitées par la conversation », « les femmes recherchent davantage la tendresse », « il faut faire l’amour avec des chandelles, de la musique douce et des pétales de roses sur le lit… » Vous voyez le genre?

Le lettrage et les couleurs de cette couverture semblaient aussi annoncer quelque chose de moins rose bonbon, moins proche de la presse féminine traditionnelle. Mais en feuilletant la revue, j’ai été plus que déçue.

Cette « audace » qu’ils annoncent en grande pompe sur le devant, ce n’est que du feu. En gros, le message qu’on retient après avoir lu Summum Girl c’est « Les filles, il faut combler le moindre désir sexuel de votre chum. Faut lui en donner toujours plus! Et si vous connaissez des problèmes dans votre relation intime, c’est toujours de votre faute! »

Des articles comme « Le faites-vous assez souvent? », « 10 façons subtiles de complimenter votre homme » et « Marié à sa console de jeu! » viennent renforcer l’image de la femme dont le chum est le centre de son univers. Assez loin de la « femme qui ose! » qu’on nous vante pourtant dans le slogan du magazine. Dépendante affective, la Summum Girl est 99% du temps RÉACTIVE plutôt que proactive. À moins qu’il ne soit question d’allumer son homme. Alors là, ça semble être le but de sa vie. Émoustiller monsieur. Son désir et ses besoins à elle? Pas important!

Le gros morceau du numéro de février, c’est le reportage photo sur les lofteurs de Loft Story 5. Des clichés coquins, au sens quétaine du terme. Rien de très osé.

Certaines des photos invitent davantage à une contemplation plus érotique, celles du lofteur Jason (photo de droite) particulièrement. Il pose à côté d’un poteau de danseur! Mais c’est fort peu. Comme si, même en étant voyeuse, la lectrice de Summum Girl restait passive. Sur la plupart de ces photos, ce sont les gars qui sont en contrôle. Intéressant que chacun des gars photographiés a droit à une entrevue où ils révèlent entre autres ce qui les attire chez les filles. Encore une fois, on invite la fille à se mettre à la place du gars lorsqu’elle prend en compte sa sexualité. Rien de ce qu’elle fait n’est pour elle-même. Tout est dans la perspective qu’elle doit séduire son homme, être ce qu’il attend d’elle.

Je suis aussi super troublée par deux aspects en particulier du magazine. En premier lieu, un titre complètement idiot qu’on retrouve en couverture : « Épilation génitale, une obligation? »

OK… depuis quand?!? J’ai dû manquer le mémo là-dessus. J’aurais été intriguée de voir comment ils auraient amené la question. À mes yeux, rien de tel n’est obligatoire pour qui que ce soit. Mais voilà, j’ai eu beau feuilleter la revue autant que se peuve, JE NE TROUVE MÊME PAS L’ARTICLE! Je trouve ça absolument choquant qu’on mette un tel titre en couverture, qu’on fasse une déclaration aussi grossière, pour noyer ensuite l’article en question dans le reste du contenu. Une honte!

Partie de contenu alarmant #2: l’histoire érotique en page 40. Tout d’abord agréablement surprise de voir de la fiction de ce type dans le magazine, j’ai été horrifiée quand je me suis rendue compte que la nouvelle était écrite à la première personne…. du point du vue d’un gars! Sûrement qu’il y a quelqu’une quelque part qui trouve ça excitant, mais il me semble que la majorité des filles voudraient davantage lire une histoire écrite du point de vue de la fille, non? Je trouve personnellement plutôt dérangeant que ce soit encore le désir du gars qui soit mis à l’avant-plan ici. C’est son désir qui importe. On n’a aucune idée de comment la fille se sent dans sa tête. Bizarre pour un magazine féminin, vous trouvez pas? Et ça, c’est sans compter l’exotisation du personnage principal féminin de l’histoire, Jessica. Il se trouve que le protagoniste est en voyage à Cuba et se tape une Latina bien chaude. Mais on est-tu tanné que les filles racialisées soient toujours réduites à des objets sexuels! Assez!!!

Vous comprendrez que j’ai été pas mal dégoûtée par le contenu de Summum Girl. Point de vue sexualité, je crois même que les messages mis de l’avant par le magazine sont dangereux. Comme je le disais, la perspective des filles y est complètement évacuée. Tout est en fonction de ce que le gars veut. Aucune façon de savoir si la fille va y prendre son pied ou non. Sachez-le les filles: votre désir et votre plaisir ne sont absolument pas importants! Même dans les articles portant sur la beauté et la santé – revue de fille oblige – tout n’est que pour se faire belle aux yeux de son chum.

Car oui, autre point à retenir: pour les jeunes femmes, point de salut en dehors du couple! Le portrait qu’on y fait des femmes célibataires est moins que flatteur. La section « Dans la tête des gars » (et oui, encore!) écrite par un journaliste masculin comprend le passage suivant, un bijou de stéréotype :

[Faites plaisir à votre chum assez souvent ou bien] continuez à lire les revues féministes qui proposent des articles tels que À 46 ans, j’ai réussi à combler le vide du célibat grâce à mes 2 chats et 10 trucs essentiels pour un scrapbooking réussi! Me semble qu’entre du bricolage et une relation orgasmique, le choix devrait être assez facile.

C’est moi qui ai mis certains des mots en gras. Non mais sérieux!!! De quelles revues féministes il parle? Celles que je connais ne traitent pas de célibataires éplorées et de collage… Et quant à sa relation orgasmique… orgasmique pour qui?!

Mon verdict? Bien Summum Girl, c’est plutôt nul. C’est sûr qu’il y a toujours place à la nuance, mais dans l’ensemble c’est du caca. Une façade sex positive pour finalement venir renforcer l’hétérosexime, rajouter de la pression sur les jeunes femmes par rapport à leur image corporelle, et miner leur assurance sexuelle. Et bien sûr, c’est très Blanc. Parce que les femmes racialisées ont encore moins le droit d’être en possession de leur sexualité.

Une autre belle opportunité gâchée. Dommage.

2 Comments

  • Marianne
    20 février 2009

    Excellent article Marie-Elaine! En tant que fan de magazine, tu touches à un de mes grands intérêts…

    Ce que ça me donne comme impression, c’est que le Summum Girl a été écrit par des gars qui ont essayé fort de se mettre dans la peau d’une fille. Mais peu importe qui écrit les articles, c’est le résultat qui est décevant. J’aimerais vraiment qu’un magazine sexy et edgy parle autant à mon intelligence qu’à ma libido. Mission impossible?

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

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