Verdict : victime (partie 1)

Le système judiciaire québécois a plusieurs fois été réformé au cours du 20ème siècle. Pourtant, ce système est devenu plus injuste et dénué de bon sens depuis la réforme de 1988. En effet, c’est à partir de ce moment que nous nous sommes mis collectivement à classifier les agressions sexuelles entre trois catégories: les agressions sexuelles simples (1), les agressions sexuelles armées, menaces à une tierce personne ou infliction de lésions corporelles (2) et finalement, les agressions sexuelles graves (3)¹.

J’ai eu la chance au cour du mois d’avril de m’entretenir avec Rosalie Genest, une jeune femme survivante d’une agression sexuelle alors qu’elle était étudiante au Cégep de Garneau. Elle a dénoncé son agresseur qui s’en est tiré indemne, la procureure de la couronne ayant refusé de représenter Rosalie en cour. Voici son histoire, non censurée.

À l’époque, Rosalie s’impliquait beaucoup dans l’association du parti libéral, qui selon elle, était un groupe assez fermé. Un jour, le président de l’association invita Rosalie à venir souper chez lui avec un autre membre pour ensuite aller à un spectacle au Centre Vidéotron. La jeune femme, heureuse de se faire initier dans leur monde, accepta, ne se doutant pas des mauvaises intentions de son agresseur. Voici les évènements en ordre chronologique:

Rosalie arrive chez le président de l’association dans la soirée du 2 octobre 2015, avec sa voiture. Elle entre chez son agresseur, se disant qu’elle ne boirait pas pour pouvoir conduire elle-même, ce qui est entre nous un comportement responsable. Donc elle entre, se fait accueillir, et les trois membres passent au salon. L’agresseur commence à servir de l’alcool, en commençant par de la bière, puis en continuant avec de l’alcool fort. Quelqu’un qui sert trois shooters s’attend nécessairement à faire boire tous ses invités. Rosalie, se sentant sous pression, accepte les verres du président. Après quelques consommations, Rosalie se rend à la salle de bain et, en remontant vers la cuisine, perd connaissance, sous l’effet de l’alcool et de peut-être du GHB, un composant clé de la drogue du viol. Elle se réveille après un laps de temps indéterminable, nue, dans un lit, l’agresseur sur elle tentant clairement de profiter de la situation. Prise de panique, Rosalie tente désespérément de convaincre son agresseur d’arrêter. Elle réussit finalement en disant qu’ils allaient arriver en retard au spectacle. Le violeur décide d’arrêter et sort du lit. Rosalie a soudainement froid et son agresseur lui dit, comme si c’était normal: «Oui, t’es allée dans la douche, j’suis entrain de faire sécher tes vêtements.»

Rosalie se rhabille, encore sous le choc de l’agression, avec ses vêtements mouillés et suit son agresseur ainsi que le deuxième homme dans sa voiture. Le trio arrive au Centre Vidéotron, où un ami proche de Rosalie attendait la jeune femme. Inquiet, il lui demande à quel endroit elle était passée et Rosalie lui dit qu’elle pense s’être fait violer. Son ami lui demande si elle veut aller à l’hôpital pour faire des prélèvements. Encore sous le choc, la jeune femme décline l’offre. Rosalie est à ce moment désorientée et traumatisée. Après le spectacle, son ami la raccompagne chez elle.

Le lendemain matin, Rosalie se réveille, elle a mal partout, dû aux hématomes que le viol a causés, et réalise l’ampleur de l’évènement de la nuit précédente. Elle contacte alors son copain de l’époque et lui dit qu’elle s’est fait violer. Il ne la croit pas. Il pense que Rosalie lui dit ça parce qu’elle aurait couché avec un autre et qu’elle se sent mal. Il lui dit que si elle s’était réellement fait agresser, elle irait à l’hôpital pour faire une trousse médico-légale. La jeune femme a besoin qu’on la croie et va à l’hôpital où elle entreprend les procédures pour une trousse médico-légale, qui consiste en gros à un examen gynécologique complet.

Son copain ne la croit toujours pas à 100%  et lui demande, pour se prouver, d’en parler à ses parents. Rosalie rassemble donc sa famille et tente de le leur dire, mais n’y parvient pas tellement l’émotion est forte. C’est finalement son copain qui s’occupe d’informer la famille.

Toujours sceptique, son petit ami lui dit que si elle s’était fait violer, elle entreprendrait des procédures judiciaires contre son agresseur. Ce qu’elle fait, sentant qu’elle doit prouver l’injustice dont elle a été victime.

Elle se rend au poste de police et rempli les formulaires pour déposer une plainte contre son agresseur. Elle y raconte les événements tels qu’elle s’en souvient. Elle rencontre ensuite une enquêtrice qui écoute son témoignage avec froideur et sans compassion. Rosalie se sent de plus en plus seule dans sa peine. Son dossier est envoyé à la procureure de la couronne qui l’analyse pendant environ un mois. Durant ce mois, plusieurs experts rencontrent Rosalie pour réécouter son histoire, ce qui fait revivre à la jeune femme son viol, encore et encore.

Les preuves s’accumulent. La trousse médico-légale dévoile que Rosalie aurait été violée par deux hommes, l’agresseur présumé (le président de l’association) et un autre dont on ne sait toujours pas le nom. Et, bien sûr, aucun test d’ADN n’a été effectué chez l’autre membre de l’association qui était également présent lors de l’agression.

Les prises de sang effectuées à l’hôpital laissent croire qu’il n’y a pas eu utilisation de drogue du viol, qui, je le rappelle, s’élimine de l’organisme dans une période de 6 à 8 heures, dépendamment de la dose reçue. Comme les prises de sang ont été recueillies plus de 8 heures après les événements, il est logique qu’on n’en ait pas retrouvé la trace. Pourtant, selon le témoignage de Rosalie, tout porte à penser que le GHB était bien au rendez-vous.

Les hématomes présents sur le corps de Rosalie démontrent que la jeune femme a soit été violentée, soit elle s’est débattue.

C’est à la fin de ce mois d’enfer que Rosalie apprend que la procureure a refusé son dossier. La principale raison: la supposée victime aurait pu reprendre ses esprits et donner son consentement avant de retomber dans les vapes.

Et le prix de la raison la plus merdique de 2015 revient à…

La justice!


¹AUTEUR INCONNU, consulté le 17 avril 2017, «Code criminel canadien», Table de concertation sur les agressions à caractère sexuel de Montréal, [En ligne], Adresse URL: http://www.agressionsexuellemontreal.ca/lois-et-procedures/cadre-legislatif/code-criminel-canadien

1 Comment

  • La Digresse
    9 mai 2017

    J’en pense que la procureure devrait peut-être revoir la fameuse vidéo sur le thé et le consentement. Quand on est inconscient, le consentement n’est plus valide, même si on l’a donné avant.

    Non mais.

    Je suis vraiment triste pour Rosalie. Elle a fait toutes les démarches et malgré ça, la justice ne lui sera pas rendue. C’est à désespérer…

    [Commentaire hors-sujet? Abusif? Spam?]

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