Pré-ado en 2017, je m’identifierais à…

Avertissement : cet article peut contenir de la mauvaise foi, des préjugés et une méconnaissance des faits, car il ne se base sur aucune statistique, étude empirique ou analyse d’experts. Que sur du bon vieux fait vécu. Nous préférons vous en avertir.

 

Il était une fois une enseignante au préscolaire et au primaire qui, voyant ce que consommaient culturellement nombre de ses élèves, en particulier les pré-adolescentes, dans leurs temps libres, me tint à peu près ce langage: « C’est vraiment du vide. Y a aucun contenu intéressant là-dedans ». Et moi, souffrant d’une opinionite aigue due à une écoeurite d’acquiescer : « Mets-en! »

Voici donc sous forme de catégories quelques-uns des modèles les plus acclamés par moult pré-adolescentes d’aujourd’hui, et qui me laissent perplexe:

  • Des youtubeuses qui s’improvisent aussi autrices en n’ayant pour contenus que leur quotidien personnel, du genre : j’aime la crème glacée, j’ai un chat, voici comment je m’habille, me coiffe et me maquille, etc., et qui finissent au rang de vedettes, un peu à la manière des stars éphémères des télé-réalités;
  • Des mangas dans lesquels les jeunes filles portent sensiblement les mêmes vêtements, notamment des jupes très courtes, et arborent pour ainsi dire toutes le même visage, avec des yeux surdimensionnés, dans des histoires mélangeant les premières amourettes et des aventures peu ou pas vraisemblables;
  • Des séries télévisées mettant en vedette des adolescentes remplissant différentes missions, mais où – attention clichés! – la scientifique du groupe est clairement identifiée comme tel par son port de lunettes, et genrée avec entre autres accessoires ce summum de l’inoriginalité : un rouge à lèvres d’espionne – ouf.

* Dans ces cas, on a une distribution d’actrices et de jeunes femmes belles, souvent hypersexualisées, massivement hétérosexuelles, sans maladie ni handicap, et rarement racisées.

 

Plusieurs m’opposeront ceci : « Ben là, on aimait le même genre d’affaires avant » – et me citeront une pléthore d’exemples qui, à défaut de constituer une liste exhaustive, seront certainement pertinents…

Mais justement : qu’avons-nous fait comme « progrès » ces dernières décennies?

 

Quand j’étais enfant, j’étais fan de belles aventurières aux corps parfaits et d’histoires où la belle blonde aux yeux bleus passe sa vie à attendre l’amour. Des modèles qui ne m’ont pas beaucoup servie. En revanche, des personnages féminins de séries et films québécois (Daphnée dans La grenouille et la baleine, Fanny dans Bach et Bottine, Julie dans Les Intrépides, etc.) m’ont amené à vouloir autre chose que la beauté et l’amour, comme la créativité, l’originalité et l’intelligence; ça avait vraiment l’air cool de jouer de la flûte à bec aux baleines (Daphnée), de chanter à tue-tête dans le bain de concert avec le voisin (Fanny) ou de faire arrêter les criminels (Julie).

Vous me direz que pour la diversité culturelle, ou même physique, on repassera, mais bon, il y avait déjà du bon. Et on ne connaissait pas autant de plateformes à travers lesquelles visionner ces contenus à toute heure, en tout lieu, en quantité illimitée, moyennant quelques clics avec la tablette, l’écran de l’ordinateur, la télé et le cellulaire… Mais ça, c’est un autre débat.

 

Mon objectif est d’arriver à déterminer, dans une perspective descriptive plus que prescriptive, ce que seraient des contenus culturels de « qualité » pour les pré-adolescentes. Car si une femme adulte bénéficie généralement d’une expérience de vie et d’un esprit critique appréciables pour sélectionner ce qui lui convient ou non, il serait imprudent de le prendre pour acquis chez des pré-adolescentes de neuf à douze ans, non?

Quels critères donc envisager? Se baser sur ce que la pré-adolescente elle-même considère comme étant de « qualité », ou plus communément « bon » ou « intéressant »? Et sur quoi se base-t-elle pour le dire? Sur l’influence des autres? Sur la publicité? Sur quoi? Comment, à la vue des modèles auxquels elles sont quotidiennement exposées, les jeunes filles d’aujourd’hui percevront-elles leur rapport à leur corps, aux relations amicales et amoureuses, à la différence, etc. en grandissant?

 

Et nous, féministes en 2017 qui avons entre autres défis de contribuer à l’épanouissement de ces jeunes filles, quels seraient nos critères? Personnellement, j’opterais pour des contenus mettant en scène des jeunes filles auxquelles les pré-adolescentes peuvent s’identifier, ayant des qualités, des talents, des physiques, des capacités, des origines, des genres et orientations sexuelles variés. Ou, au minimum, des jeunes filles qui mettent de l’avant d’autres caractéristiques que leurs attraits physiques pour se mettre en valeur et des projets plus enlevants qu’un quotidien basé sur la consommation et le paraître.

 

Somme toute, mais ma réflexion demeure ouverte et n’a pas été cogitée sur de longs mois comme pour la rédaction d’un essai, j’estime que les pré-adolescentes d’aujourd’hui sont surexposées, et de ce fait, surconsomment, des contenus culturels proposant des modèles féminins peu édifiants. D’aucuns me lanceront : « Tu proposes quoi à part chialer contre ça? Censurer ce que les jeunes aiment qui ne te plait pas? ». Du tout, je vous rassure. Simplement encourager le financement public d’initiatives culturelles, comme le projet Kaléidoscope, prises par et pour des femmes, et des jeunes filles, impliquant une diversité significative au sein des actrices, artistes et autrices impliquées, mais aussi des projets inspirants et signifiants tant pour les pré-adolescentes que pour la société des années 2000, comme de construire des logis pour les sans-abris, concevoir une nouvelle façon d’étudier les tumeurs ou, plus humblement, démarrer un projet artistique, coopératif, sportif ou autre… Ce serait déjà plus vraisemblable que de se transformer en félin pour combattre une créature magique et plus valorisant que de tenter de se faire connaitre en se lançant des défis sur Youtube comme… allez voir sur Youtube.

3 Comments

  • linda
    19 août 2017

    Je met aussi un avertissement au début de mon commentaire qui n’est que mon ressentie et pas non plus une étude sociologique mais je me permet de dire que ce texte me semble stéréotypé. Le fait de se réfugié derrière le fait que ca serait un ressenti personnel me semble insuffisant pour ne pas en faire une critique.

    Pour l’énumération de ce qui laisse l’autrice perplexe, voici ce qui me pose problème :
    – Les mangas ne sont pas tous dessinés pareils, cette remarque montre un mépris et une méconnaissances des mangas de la part de l’autrice.
    – Les youtubeuses vedettes ne sont pas toutes réductibles en starlettes de téléréalité accro au shopping. On peu aimer le rouge à lèvre et concevoir une nouvelle façon d’étudier les tumeurs sans avoir à mettre ces préoccupations en oppositions. Les filles subissent des injonctions à la beauté très fortes, ca me semble déplacé de leur faire le reporche de cédé à cette pression.
    – Les jeunes femmes ne sont pas plus idiotes ou superficielles que celles de la génération de la personne qui à écrit ce texte. Le passage sur le choix plus mature des femmes adultes est aussi assez injuste car les score de vents des magazines de modes et people montrent que les femmes adultes ne font pas mieux que les préadolescentes.
    – Le reproche fait aux youtubeuses de s’improviser autrice en ayant comme contenu leur univers personnel est aussi regrettable. Ce choix aurais pu être valorisé, il y a par exemple de nombreuses youtubeuses qui tiennent des discours féministes, écologistes, antispécistes et qui font aussi des conseils beauté. « Le privé est politique » et il est tout à fait possible de faire un travail féministe à partir de sa vie privée.

    Au lieu de proposé de sortir des stéréotype de la féminité l’autrice de ce texte en profite pour réactivé d’autres assignations faites aux femmes : l’injonction de s’occuper des autres. Et le final est une culpabilisation très forte des filles. Car il leur est dit que s’imaginer en félines métamorphe armées de pouvoirs magiques à 9-12 ans c’est mal, et que les filles devraient s’occuper de care.

    Ce site n’est probablement pas lu par les foules pré-adolescentes même si il doit y en avoir, mais j’espère que l’autrice de ce texte ne s’adresse pas à ces jeunes filles avec un tel discours.

    Plutôt que de dire les mangas c’est tout pareil, proposez leurs d’autres mangas plus novateurs et intéressants politiquement (le capital de Marx à été adapté en manga, il y a des mangas de qualité à vous de les découvrir et de leurs faire connaître). Lisez les mangas qui sont populaire pour discuté du contenu avec elles. Même une œuvre superficielle peut être un bon support pour parlé de sujets plus profonds avec les personnes. Plutôt que de mettre toutes les youtubeuses dans le même sac, proposez des chaînes intéressantes. Pour les dessins animés il y a des programmes de bonne qualité pour cette tranche d’age et qui sont très populaires, je pense en particulier à Steven Univers. Plutôt que de dire que c’était mieux hier, faites de la critique politique des médias avec ces jeunes filles, questionnez ce culte de la beauté avec elles, faites leur voire les vidéos libres et gratuites de « Feminist Frequency », commentez avec elles les articles du site « le cinéma est politique », et toute ressources sur le genre et la culture pop qui sont nombreuses sur le web, faites leur découvrir des texte féministes qui peuvent les touché par la thématique sur la mode, je pense en particulier à « Beauté fatal » dont des passages peuvent être lu même à 10-12ans.

    Je comprend ce coup de gueule de l’autrice, beaucoup de contenus médiatiques sont horripilants et pas que chez les pré-ados, mais il me semble qu’il est nécessaire de ne pas en resté là. Si l’autrice veux que les choses bougent chez les pré-ados c’est pas en les renvoyant à une superficialité de starlette qu’elles va être écouté.

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  • Mariane
    22 août 2017

    Des fadaises, il y en a à toutes les époques et pourtant, on a survécu! Par contre, pour l’écouter depuis quelques temps, je me rends compte de l’impact qu’une série comme Buffy contre les vampires a pu avoir. Personnellement, étant jeune, j’ai dévoré les bandes dessinées de Yoko Tsuno, un modèle féminin fort, qui était pourtant publiées chez Dupuis, royaume de plusieurs séries où le rôle des femmes se résumaient à ceux de Schtroumpfette… Ce n’est pas que les exemples de culturel représentant des modèles féminins indépendants, forts et dynamiques n’existent pas, c’est qu’on dirait qu’on les oublie tellement les contre-exemple sont nombreux et souvent, malheureusement, très populaires.

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  • Élisabeth
    24 août 2017

    Bonjour mesdames,

    D’abord, merci pour vos commentaires, très éclairants, qui complètent et nuancent ce que j’avais volontairement ou non omis de faire dans mon article.

    Merci surtout pour vos suggestions, concrètes, d’éléments culturels qui méritent semblent-ils d’être découverts et que je ne connaissais pas.

    Vous aurez compris que pour les besoins d’un article ne pouvant excéder 1000 mots, je me suis limitée à des archétypes. C’était conscient de ma part. Je sais, heureusement, qu’il existe d’excellents mangas, de très intéressantes youtubeuses, des inspirations pour tous les goûts dans les artéfacts culturels encore aujourd’hui.

    J’aurais notamment pu parler durant des dizaines de pages des personnages féminins de Hayao Miyazaki, même les prétendues antagonistes, que je trouve aux bas mots fascinantes. Merci au passage d’accroître ma culture nippone 🙂

    Et je ne souhaite pas que les jeunes filles perçoivent comme un reproche le fait de vouloir être belles, ou de se maquiller, coiffer, habiller de telle ou telle autre façon pour le faire. J’aimerais que les modèles qu’elles ont soient moins fréquemment dans un rapport hypersexualisé avec leur corps. Qu’il y en ait, c’est normal, même tant mieux! Mais dans «l’offre», c’est-à-dire dans ce qui a, je présume, le plus gros financement et qui se retrouve le plus facilement accessible, je trouve encore très majoritairement ce que j’ai décrit dans mon article.

    Or, je le répète, il en faut! Idem pour les tutoriels de maquillage et de coiffures, tant mieux aussi si des youtubeuses, et je sais qu’il y en a, le font avec une pensée écologiste dans leur choix d’achats ou même de confection de cosmétiques. C’est génial!

    … Mais il y en a beaucoup, globalement. Comme pour les femmes qui voient constamment des publicités de femmes exposées en sous-vêtements, en train de consommer une friandise de manière suggestive sexuellement, etc., je vois dans le regard de pré-adolescentes qui se maquillent, se coiffent, choisissent soigneusement leurs vêtements tous les jours une pression. On leur dit tous les jours qu’elles sont intelligentes, talentueuses, belles, etc. Mais le «belle», elles ne le croient jamais. Pourquoi? En somme, je ne veux rien tabouiser du tout. Je voudrais au contraire diversifier les modèles. Qu’une jeune fille lesbienne, trans, queer, racisée, avec un handicap, ou qui se sent amoureuse de plus d’une personne ait des modèles qui la confortent dans ce qu’elle est, qu’elle se sente bien dans sa peau même si son corps ne ressemble pas à ceux qui sont les plus fréquemment affichés dans les magazines et sur les écrans, qu’elle se sente acceptée même si elle vient de loin avec un drôle d’accent ou d’autres croyances, etc.

    Je suis consciente un peu plus chaque jour du fait que j’ai beaucoup à faire moi-même. Je réalise notamment en vous lisant que je n’avais pas «débusqué» ma manie du «care»; merci de me l’avoir fait voir. Jamais cependant je n’ai dit à une fille ou une femme qu’elle devrait prendre soin d’autrui. J’ai plutôt tendance à les inviter à se choisir d’abord.

    Pour le reste, je ne censure pas les jeunes filles que j’aime le plus au monde dans leurs choix. Elles font, regardent, consomment ce qu’elles veulent dans la mesure évidente où cela ne nuit pas à leur santé/sécurité ou à celle d’autrui. Je n’ai donc jamais eu à les priver d’un contenu ou d’un autre jusqu’ici.

    J’ai cependant remarqué que l’une d’elles créait beaucoup moins qu’avant en dehors des DIY. Je ne le lui reproche pas, mais elle peut être si douée et imaginative que cela m’inquiète quelque part. Des études tendent à démontrer que la «culture de l’écran» nuit au développement de l’imaginaire; mais ça, c’est une autre question.

    Bref, merci encore pour vos lumières! … Même si je me pose encore trop de questions! 🙂

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