Éditorial : Se légitimer

« Ma puissance ne reposera jamais sur l’inféodation de l’autre moitié de l’humanité. Un être humain sur deux n’a pas été mis au monde pour m’obéir ».

Virginie Despentes

 

Lundi matin. 16 octobre. 7 h. L’équipe de Je suis féministe est sous le choc. Sur nos actualités Facebook et sur nos comptes Twitter, deux mots nous restent au travers de la gorge. #metoo #moiaussi. Sans nous douter de l’ampleur qu’allaient prendre ces hashtags, nous les lisons. Nous vous lisons. Au début, il n’y a que ces deux mots. Mais plus le temps avance, plus les témoignages apparaissent. Ils sont courts, parfois longs, et ils ne cessent de s’écrire. Personnalités connues, ami.es, proches, connaissances, vous écrivez, vous parlez, vous criez. Nous vous écoutons.

Alors que Facebook nous connecte habituellement à l’actualité personnelle de nos ami.es et à celle plus générale des grands médias, il nous a, cette fois-ci, perfusé.es directement par la tristesse, mais surtout par le courage de milliers de personnes. Dans le mot « courage », il y a le mot « rage ». La « rage » prend de multiples formes et est souvent perçue de manière négative (surtout lorsqu’on l’associe au féminin). Émotion « incontrôlable », elle est destructrice et dangereuse. Mais, ici, elle n’a rien détruit. Parce qu’il n’est pas question de danger, mais de dénonciation.

Parce que la rage qui habite ces témoignages n’est pas destructrice, mais salvatrice. Parce que certains ont réalisé trop tard que « pendant de nombreuses années, dans de nombreuses situations et auprès de plusieurs personnes – bien au-delà de celles qui sont sorties publiquement – mes agissement ont causé du tort », parce que c’était juste pour rire.

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Nous avons cessé d’avoir peur. Nous avons cessé d’être muet.tes.

Nous avons cessé d’être des victimes. Nous avons cessé d’être des victimes potentielles

Nous avons cessé d’avoir peur et nous avons parlé.

Nous nous sommes légitimé.es.

 

 

« Ma puissance ne reposera jamais sur l’inféodation de l’autre moitié de l’humanité ». Nous pourrions ajouter à ces mots de Virginie Despentes que notre puissance ne proviendra jamais d’agressions. Notre puissance, notre force, nous la construisons. Ce sont vos mots, vos témoignages, vos voix qui nous légitiment tout.es. Il est clair que vous avez fini d’attendre après les autres : vous avez mis fin au silence. Vous avez parlé et vos voix ont résonné. Nous vous avons entendu.es.

L’équipe de Je suis féministe souhaite vous livrer sa page. La vitesse avec laquelle les médias sociaux relaient l’information, mais font aussi disparaître cette même information est hallucinante. Publiés, lus et oubliés, les statuts n’ont pas de longévité. C’est pourquoi en réaction à cette vitesse, nous voulons, avec vous, prendre « encore le temps ». Dans le présent d’aujourd’hui, nous voulons inscrire et graver ce qui, à nos yeux, ne devrait jamais plus disparaître, c’est-à-dire votre légitimité. Votre légitimité à parler, à témoigner, à agir.

 

Nous désirons donc recueillir vos témoignages. Et nous pensons à celleux dont l’acte de témoigner est impossible, à celleux pour qui témoigner est encore trop difficile : nous vous croyons. C’est pourquoi nous vous donnons la possibilité de témoigner de manière anonyme ou avec un pseudonyme. Parce qu’on croit que chaque voix ne devrait plus jamais avoir peur de témoigner. Parce que #nousaussi, comme vous, nous en avons assez.

 

– L’équipe de Je suis féministe

 

 

Tous les témoignages enregistrés avant le 2 novembre prochain seront publiés sous forme de billets. Nous vous invitons à ne pas dépasser 500 mots.

 

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