Fais un bisou

Ce week-end, j’ai regardé la vidéo sur le consentement pour les enfants, ce qui m’a rappelé quelques souvenirs culpabilisants que je vois aujourd’hui sous un autre jour : celui du respect des limites des enfants.

 

Je reprends pour celleux qui n’auraient pas suivi les dernières prises de conscience sur ce genre de sujet. Il semble très (trop) récent qu’on se dise enfin que forcer un enfant à faire un bisou à machin-e ce n’est pas une bonne chose.

Combien de fois ai-je vu des parents, enfants en bas âge dans les bras, dire « tu fais un bisou à tati ? » ou « tu fais un bisou à Philippe ? Allez, fais un bisou » « regarde maintenant, iel est triste, si tu ne lui fais pas de bisou », etc. Ces « fausses questions » donnent l’impression à l’enfant qu’il a le choix, alors qu’en réalité il ne l’a pas, puisque les adultes s’offusquent si l’enfant refuse.

C’est incroyablement culpabilisant. Sans s’en rendre compte, les parents forcent l’enfant à faire quelque chose dont il n’a pas envie ou, vu son âge, qu’il ne comprend pas.

On parle ici d’un acte à la fois intrusif et très anodin. Faire un bisou, pour nous, adulte, c’est se dire bonjour (bien que la bise soit réservée aux femmes et aux enfants…nous y reviendrons dans un autre article). Mais pour un enfant, cet acte social peut être vécu comme une violence, puisqu’on le lui impose. On ne respecte ses limites. À cela s’ajoute la culpabilisation de blesser un-e adulte en refusant de lui faire plaisir.

Le souci, c’est qu’en faisant cela on apprend à l’enfant à ressentir de la culpabilité lorsqu’il répond négativement aux désirs d’un-e adulte. On demande aux enfants de faire un bisou à n’importe qui famille ou ami-es, qu’iels soient proches de l’enfant ou non. Et l’enfant doit faire plaisir à toutes ces personnes en leur faisant un bisou, sinon il les blessera. Dans ces conditions, comment l’enfant peut-il identifier quand un-e adulte lui veut du mal ou quand l’adulte outrepasse les limites ?

 

Cette injonction ne s’arrête pas avec l’âge, puisque même lorsque l’enfant est capable de communiquer, d’exprimer un « non » ou un « oui », une opinion, etc., on lui somme encore d’aller embrasser sa grand-mère, son oncle ou qui sais-je pour lui dire bonjour, et s’il n’a pas envie, on lui dit de faire un effort. Le message est donc « force-toi pour faire plaisir à l’autre ». Ici encore, on est sur un message dangereux qui pourrait contribuer à la culpabilisation de l’enfant abusé par un adulte.

Une fois l’enfance passée, le message est bien intégré et s’ajoute à un tas d’autres injonctions. Je pense que cette injonction au bisou n’est pas sans conséquence sur nos vies d’adultes et sur la culpabilité que l’on peut ressentir face à nos proches lorsqu’on leur refuse quelque chose.

 

 

Je pense que l’on peut tous et toutes faire quelque chose pour rendre notre environnement plus sécuritaire, pour nous protéger les un-es les autres. Et si on commençait avec les enfants ? Si on les aidait à ne pas reproduire nos propres erreurs ?

Cela peut être très simple : si vous êtes parent, ne forcez plus vos enfants à « faire un bisou », laissez-le/la estimez lui/elle-même ce qu’iel veut faire ou non sur ce sujet. C’est son corps, son espace. Cela ne veut pas dire être impoli ! Remplacez le bisou par un bonjour, c’est de la politesse élémentaire et ça ne demande aucun contact physique.

Si vous êtes un-e ami-e, un-e proche et que le parent insiste, dite-lui que non, ce n’est pas grave s’iel ne veut pas faire de bisous. Refusez de participer à cela gentiment en expliquant pourquoi.

Vous pouvez même demander à l’enfant s’il veut faire un bisou et le rassurer en lui disant qu’iel n’est pas obligé-e et que vous n’en êtes pas blessé-e.

Et si, vous-même, vous vous forcez encore à faire des bisous, il n’est pas trop tard pour changer ça.

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