Maipoils : résumé de quatre albums jeunesse

 

Pour me préparer à donner un atelier familial au festival Maipoils, j’ai bouquiné à la recherche d’albums jeunesses abordant la pilosité humaine. Je n’ai trouvé que quatre titres que je me suis empressées d’emprunter à la bibliothèque, sans prendre le temps de les . Arrivée à la maison, je me suis installée avec mes enfants et nous en avons fait la lecture. En voici un compte rendu critique.

 

Tous à poil![1] écrit par Claire Franed et illustré par Marc Daniau, a soulevé les émois lors de sa parution en 2011. C’est que le titre est sans équivoque. Page après page, on y voit des personnages qui se dévêtissent: à poil le bébé, à poil la gardienne, à poil la mamie, à poil le policier, à poil la boulangère… Comme la nudité n’est pas un tabou dans notre maison, mes enfants ont peu réagi face à la celle des personnages. Iels ont trouvé bien drôle ce moment: « À poil le chien! Heu… ben non! » À la fin, tous les personnages se retrouvent à la plage et profite joyeusement de la baignade. J’ai beaucoup aimé la diversité des corps représentés et cette idée que la nudité est naturelle. Les illustrations sont ludiques et le poil est présent.

 

Poils aux pattes[2] est écrit par Ingrid Chabbert et illustré par Bérengère Delaporte. C’est l’histoire d’une grenouille qui a du poil sur ses jambes et qui reçoit sans cesse des commentaires négatifs et des moqueries à ce propos. Elle décide donc de s’exiler. Seule dans sa marre, elle se sent heureuse et libre, ne se souciant plus de regard des autres. Un jour, elle rencontre un crapaud qui se sent aussi exclue en raison de son apparence. Les deux batraciens ont un coup de foudre instantané, partent en voyage puis décident de présenter des spectacles de cirque. Grâce à leur numéro, « le public applaudit et les admire. Finies les méchancetés! » Puis, ils vivent heureux et ont beaucoup d’enfants grenouilles poilues et de toutes les couleurs. Ce que j’apprécie de cette histoire, c’est que la grenouille ne change pas son apparence physique pour plaire aux autres. D’un autre côté, pour être accepté, la différence s’inscrit dans un contexte de spectacle, de mise en scène et non dans la vie quotidienne.

 

La fée des poils[3], écrit par Danielle Verville et illustré par Anne-Marie Bourgeois raconte l’histoire d’un grand frère qui fait croire à sa sœur qu’en plus de la fée des dents, il existe la fée des poils. « Elle donne cinq cents contre dix poils, ment-il » La fillette se demande à quoi ressemble cette fée et ce qu’elle fait de tous les poils récoltés. Elle se donne ensuite comme mission d’amasser le plus grand nombre de poils en passant la maison au peigne fin. Mes enfants ont bien aimé l’histoire et le fait que le poil y est associé à quelque chose d’amusant. Par contre, je n’ai pas pu faire fi de la représentation hétéronormative des personnages. La fillette rêve de s’acheter du vernis à ongle et un sac à main, la maman passe l’aspirateur, le grand frère joue un tour et le papa lit le journal.

 

Enfin, Babette Cole tente d’aborder de manière humoristique la puberté dans Poils partout[4]. C’est l’histoire d’une enfant qui demande à son ourson en peluche quand est-ce qu’elle deviendra grande. Son ourson lui raconte alors l’histoire de M. et Mme Hormones en expliquant que sa maman et son papa ont déjà été des enfants comme elle et qu’un jour, M. et Mme Hormones ont été réveillés. Sous l’action de leurs vilaines potions, les différentes manifestations de la puberté sont ensuite illustrées, comme les seins qui poussent et les poils qui apparaissent dans de drôles d’endroit. Cet album est intéressant, mais il est malheureusement un exemple du double standard du poil. D’un côté, l’illustration de l’adolescente montre du poil sous les aisselles et sur le pubis. D’un autre côté, l’adolescent se regarde avec fierté dans le miroir et y voit du poil au menton, sur la poitrine, au pubis « et du poil aux jambes! »

 

Voilà quatre albums où il y est explicitement question du poil. Malheureusement, aucun d’entre eux n’a comblé mes attentes puisqu’ils véhiculent tous une certaine hétéronormativité. Dans À poil! les hommes sont représentés en policier, médecin, joueur de soccer et Président-directeur général alors que les femmes ont les rôles de gardienne, boulangère, enseignante et employée de la cantine. Ci-haut, nous avons soulevé ce même point dans La fée des poils.  Dans Poils aux pattes, le personnage féminin est réduit à son apparence et ce n’est pas elle qui fait avancer l’histoire. En effet, il faut attendre l’arrivée d’un crapaud artiste de cirque pour que la grenouille sorte de sa marre en adoptant le mode de vie du crapaud. Enfin, dans Poils partout, l’adolescente se préoccupe davantage de son apparence que l’adolescent. Par exemple, « elle s’inquiétait de ne pas être formée comme ses copines ». Sur une page où on la voit marcher sur la plage en bikini, maquillée et pieds pointés, on peut lire : « Son corps avait changé et finalement, elle aimait ça. Les garçons aussi! » Pour ce qui est de l’adolescent, on le voit entreprenant dans le jeu de la séduction et s’il porte attention à son apparence, c’est parce qu’il « voulait embrasser les filles, mais à cause des époux Hormones, il était couvert de boutons et ne sentait pas très bon! » Bref, l’adolescente est dans l’attente alors que l’adolescent est dans l’action.

 

De nombreuses autres histoires alimentent le double standard, ne serait-ce qu’en illustrant constamment les personnages féminins avec une peau lisse. Je pense aussi à tous ces personnages vilains qui ont du poil un peu partout, comme les monstres, les sorcières et les ogresses. Bref, en ce mois du poil, j’émets le souhait de voir plus de personnages au naturel dans les albums jeunesses, que le poil soit le sujet de l’histoire… ou non!

 

[1] Frenek, Claire et Marc Daniau. 2011. Tous à poil! Le éditions le Rouergue : Arles (France).

[2] Chabbert, Ingrid et Bérangère Delaporte. 2016. Poils aux pattes. Les éditions Les 400 coups : Montréal (Canada).

[3] Verville, Danielle et AnneMarie Bourgeois. 2014. La fée des poils. Les éditions de la smala : Boisbriand (Canada)

[4] Cole, Babette. 1999. Poils partout. Éditions du Seuil : Paris (France)

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