Billet brûlant
Je publie le billet de Mélanie, qui nous a contacté par rapport à un billet qu’elle a publié sur son blog qui a fait beaucoup de bruit. Elle aimerait savoir qu’est-ce que la communauté de jesuisfeministe.com pense du phénomène de la »glamorisation » du travail du sexe. C’est à propos d’un livre récemment sorti, Escorte, de Mélodie Nelson. Sur le blog de Mélanie, il y a eu plusieurs réactions enflammées. Je lui laisse donc la parole.
* * *
Je comprends que les féministes sont divisées sur cette question. Disons qu’il faut choisir son camp, on est pour ou contre la commercialisation des individus ? Voulez-vous vraiment avoir un signe de piastre sur votre corps ? Sommes-nous des marchandises ? Je dis non. Nous ne sommes pas des objets dont nous pouvons disposé selon le bon vouloir de chacun. On le sait le trafic des êtres humains est en expansion. À qui profite tout ça ? À l’Occident qui se dit moderne et évolué. Dès que l’on critique nos soi-disant sociétés modernes, on sent une crispation. On se plaît à critiquer les musulmanes qui portent le voile, mais avez-vous pensé aux voiles invisibles de la femme en Occident ?
Pour le moment, les hommes et les femmes se font des copistes de ce qu’ils retrouvent dans l’industrie de la pornographie. Les hommes cherchent à bander à toutes les 5 minutes et sont malheureux quand ils ne performent pas. Les femmes doivent être siliconés, botoxés avec des g-string de la Senza toujours prête pour s’offrir. Oui nous sommes des produits et l’industrie est contente. Ne voulez-vous pas être libre ? Ou voulez-vous suivre les diktats d’une industrie ? Tout ça n’est qu’une question de contrôle. Voulez-vous vraiment joué ce jeu-là ?
Maintenant la pornographie est bien installée dans nos foyers. Exit l’érotisme. La pornographie est devenue cool. Il y a plein d’études qui discréditent la pornographie. Elle est nocive autant pour l’homme que pour la femme. Mais maintenant c’est winner de bander et de s’exciter devant un film porno. C’est devenu un espèce d’automatisme. Nous sommes devenus des robots qui sont branchés devant des télés HD. Juste avant d’avoir du sexe, on se tape un film porno où il n’y a que des relations de pouvoir. Pourrions-nous être humain et se servir de notre imagination svp? Pourrions-nous cesser d’être des machines efficaces aux sexes sursollicités ?
Je suis pour l’érotisme, l’hédonisme et la compassion. Faut croire que dans le capitalisme, ces notions sont complètement disparues.
* * *
Qu’en pensez-vous ? Comment se situer sur des problématiques aussi épineuses
que la prostitution ou la pornographie ?
Sophie Sexologue
La première chose que je te dirais, c’est qu’il ya beaucoup de thèmes différents dans ton texte!
Tout d’abord, je crois qu’il est important de nommer que les deux types de prostitution que tu nomme (exploitation des femmes en Afrique et escorte à Montréal) sont issus de contextes différents et il n’est pas possible selon moi de les regarder exactement sous le même angle.
Tout d’abord, le contexte de prostitution que tu mets en lumière avec ton exemple africain est clair en une chose: il exclu le consentement des femmes qui sont soumises et obligées d’avoir des activités sexuelles zoophiles. Dans ce contexte, il s’agit d’une chose complètement innacceptable.
Pour ce qui est de l’exemple de l’escorte (je n’ai pas entendu son témoignage par contre), c’est toute l’ambiguité du consentemment qui est « intéressante »; un témoignage comme celui là peut confronter notre propre échelle de valeur, car celle de cette jeune fille met clairement « la richesse » assez haut dans la sienne.
Parfois je me questionne sur ces escortes qui se disent tellement libres et accomplies dans leur métier. Je me demande « Si le métier d’escorte était payé au salaire minimum et celui de caissière (occupé par beaucoup d’étudiant(e)s) était 25,00$ de l’heure, combien de ces personnes choisiraient le métier d’escorte quand même? ». Mais comme ce n’est pas le cas…
Parce que ces femmes le nomment: c’est l’argent qui les intéressent en premier lieu. Et plusieurs d’entre-elles, en pesant le pour et le contre, en analysant les pertes et les bénéfices, préfèrent l’argent à l’intégrité physique. C’est ça qui est fou selon moi, parce que mon échelle de valeurs n’a pas la même chronologie! C’est sur cet aspect que le consentemment est contestable, cale la personne troc son consentement contre de l’argent.
Je souhaiterais faire un parallèle avec une autre problématique: celui des professionnels de la santé qui ont des rapprochements sexuels avec leurs clientèles. De par la relation thérapeutique, ces rapprochements sont interdits, car ils peuvent amener des impacts négatifs très importants sur la personne cliente(si ce thème vous intéresse, communiquez avec l’aqpv qui a développé une expertise sur le sujet). Les études démontrent que 90% des victimes d’abus commis par des professionnels ont des séquelles importantes par la suite. Est-ce qu’on devrait permettre que des professionnels de la santé aient des rapprochements sexuels avec leur clientèle parce que 10% d’entre elles n’ont pas de séquelle si de tels abus surviennent? Non.
Donc, même si une infime partie des escortes s’épanouissent dans leur travail, ça ne justifie pas selon moi qu’on légalise la prostitution.
Pour ce qui est de la déchéance du monde influencée par l’hypersexualisation et la pornographisation de nos modèles, je crois qu’il faut un peu se détendre. Il ne faut pas oublier que, malgré l’omniprésene du sexe dans l’espace public, une bonne partie d’entre nous restent doté(e)s d’un sens critique et d’une capacité à remttre en question ces pseudo-modèles.
Je ne dis pas qu’on ne doit pas dénoncer ces images, cette pornographisation de l’espace publique et ce faux disours de « vendre mon corps est la plus belle chose que je n’ai jamais fait de ma vie! », mais je crois qu’on doit se faire un peu plus confiance sur notre capacité à juger de ce qu’on nous présente et rejeter ce qui ne nous représente pas. Il faut cesser de penser que tout le monde a intégré les modèles pornographiques à sa sexualité. Bien sûr ça teinte certaines personnes et ça amène de nouveaux questionnements, mais il ne faut pas tout mettre dans le même panier.
Malheureusement, le monde de la pornographie et de la prostitution ne disparaîtra jamais selon moi. Ce qui est nécessaire dans ce contexte, c’est de faire de l’éducation à la sexualité pour permettre aux gens de développer un esprit critique face aux modèles sexuels qu’on leur présente et de les amener à faire des choix éclairés à propos de leur propre sexualité et peut être même aussi de s’impliquer socialement pour proposer des façons de freiner cette pornographisation de notre monde.
Voilà! 🙂
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Melanie Robert
Bon je comprends qu’il y a comme plein de concepts dans mon truc. Mais disons que l’idée principale, c’est que je suis contre la marchandisation des gens. Que ce soit dans les grands hotels de luxe ici ou en Afrique. Le but à la base revient au même.
J’en ai contre le discours de jovialisation de la prostitution et qu’on en fasse un conte de fée en vendant une autobiographie. Maintenant on en est rendu à cautionner cette industrie.
Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi les féministes ne veulent pas légaliser. Faut prendre le taureau par les cornes il me semble. On est pogné avec un monstre faut essayer de faire quelque chose.
Pour le moment, le trafic des êtres humains est en pleine expansion. Faudrait peut-être que l’on adresse le problème.
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Karine
J’avoue avoir été un peu choquée par les propos de Mélodie Nelson lors de l’entrevue à Christiane Charette surtout quand elle parlait du client qui est devenu son conjoint. Toutefois, je ne crois pas que le travail d’escorte puisse être comparé avec une exploitation sexuelle totale. La différence est le consentement. Je crois qu’une femme peut choisir, en dernier ressort souvent, le travail du sexe comme une solution à ses problèmes financiers.
En tant que féministe, je souhaite une décriminalisation de la prostitution pour des raisons liées aux droits de la personne voire une légalisation. Toutefois, je sais que les abolitionnistes ont beaucoup de place ces temps-ci dans certains milieux de femmes ce que je trouve franchement dommage.
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SophieSexologue
Je crois qu’il serait bien qu’on retire les chefs d’accusation qui condamnent les personnes qui pratiquent ce métiers et qu’elles cessent de se faire harceller, mais je ne crois absolument pas quil serait une bonne chose ni de décriminaliser la prostitution et encore moins la légalisation.
Des féministes habitant dans des pays où c’est arrivé et qui se sont battues pour cette décriminalisation regrettent aujourd’hui leur geste, car ça amène toute sorte d’autres problèmes.
Voici un article intéressant que j’avais lu à ce sujet: http://raymondviger.wordpress.com/2009/12/28/on-a-legalise-la-prostitution-dossier-legalisation-prostitution/
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Valérie
Le féminisme est, en quelque sorte, né de l’individualisme. De l’humanisme, aussi, mais cela se pert. Ce que je souhaite, ultimement, c’est de participer à un projet de société. De plus en plus de femmes font du tourisme sexuel, en Afrique et dans les Antilles. Doit-on considérer cela comme un avancement? Les revendications des groupes « néoféministes », qui se définissent comme « pro-sexe » (en opposition aux autres, qui sont « anti-sexe », évidemment), proposent une vision de la vie qui ne me convient pas. Quant à la légalisation de la prostitution, je n’y crois pas. La logique des industries en général en est une de croissance. Dès qu’elles sont légalisées, ça explose littéralement. Et davantage du côté illégal. À Amsterdam, moins de 5% des personnes prostituées sont légalisées. Si dans les années 60 elles provenaient à 95 % des Pays-Bas, aujourd’hui cela se chiffre à 20 %. Un autre exemple, le cas islandais :
« Les premiers bars de danseuses n’ont ouvert qu’en 1995 avant de se répandre rapidement dans tout le pays. «En 2000, il y en avait autant qu’à Copenhague», souligne Gudný Gústafsdóttir, porte-parole de l’Association féministe de l’Islande, jointe jeudi à Reykjavik. Copenhague compte plus d’un million d’habitants, contre seulement 320 000 pour toute l’Islande… » (Judith Lachapelle, La Presse, 5 avril 2010)
(Je les trouve fichtrement courageuses, les Islandaises, d’avoir interdit les bars de danseuses.)
Comme quoi que d’utiliser une dimension de la vie d’aussi fondamentale que la sexualité peut devenir très lucratif. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Et ça n’enrichit pas le petit peuple, comme on dit. C’est surtout le crime organisé qui s’en occupe. Ou des individus qui évoluent dans les deux mondes. Et tout ça est connu des autorités. La plupart des personnes travaillant contre la traite le savent. Célhia de Lavarene, qui a été à la tête de la première opération de l’ONU, confirme :
« C’est non seulement une impression, mais c’est une réalité. C’est une réalité triste, épouvantable même, dans la mesure où les organisations internationales, les chefs d’États sont au courant de ce qu’il se passe mais pour des raisons qui leur incombent ne font rien. »
La prostitution, la traite, la pornographie en tant qu’industries sont remplies de vases communicants avec l’industrie légale. (Voir La mondialisation des industries du sexe, par Richard Poulin) À mon sens, nous ne sommes pas face ici à mouvement de libération, ni d’émancipation.
Mon féminisme n’implique pas de faire ce que l’on veut quand on le veut. Ni ma conception de la liberté.
»En tant que féministe, je souhaite une décriminalisation de la prostitution pour des raisons liées aux droits de la personne voire une légalisation. »
Pour des raisons liées aux droits de la personne? Il faudrait faire un tour dans les bordels légaux du Nevada, et dans les gigantesques Eros centers de l’Australie.
Ce que je constate est que l’hypersexualisation ne fonctionne pas comme une masse qu’il faut tenter d’éviter. Cela fait désormais partie de notre culture, de notre manière d’être dans le monde et en relation avec les autres. Ça ne fait pas de nous des monstres, ça influence sur notre manière d’être en nous-mêmes, dans le monde, avec les autres.
En ce sens, à moins qu’une véritable révolution culturelle ne se produise, rassurez-vous Karine, ce seront de plus en plus les « pro-sexe » qui auront accès à l’espace public officiel.
Flanant dans une librairie, j’ai ouvert le livre de Nathalie, l’escorte la plus chère de New York. Je suis tombée sur un extrait ou elle décrivait comment elle passait ses après-midis à sniffer de la cocaine, se masturbant en se regardant dans le miroir. Durant des heures et des heures.
Bof.
À travers cette cacophonie sexuelle, c’est la misère que j’entrevois, celle-là même sur laquelle fructifies ces industries.
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Valérie
(J’ai oublié de me relire, c’est rempli d’erreurs, vous m’en excusrez. Je me suis emportée, je pars dans moins d’un mois tout l’été pour travailler sur le tourisme sexuel, alors…)
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allaitersonconjoint
Nous sommes totalement en accord avec les propos que vous rapportez mais aurions apprécié avoir le lien du billet original afin de pouvoir lire le billet en entier.
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Melanie Robert
Voici le lien vers le billet original.
http://carnetlitteraire.blogspot.com/2010/05/glamorisation-de-la-putasserie.html
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Valérie
Sans vouloir trop dévier :
Allaiter son conjoint??!!??!?!
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Sonia
J’ai beau tenter de faire preuve d’ouverture, je suis scandalisé. Cette banalisation marchande du système proxénète et leur impact sur les rapports hommes-femmes m’apparait assez grave pour me choquer chaque fois que je vois certaines femmes parler (ou afficher) publiquement les bienfait que la prostitution leur a apporté ou leur apporte. Le consentement déclaré de certaines femmes (d’ailleurs souvent orchestré par l’industrie du sexe)fait croire indûment à qui aimerait y croire que les femmes qui se prostituent font un travail comme les autres et qu’il l’on choisit. Je m’excuse mais cette idée est fortement indécente pour toutes ces femmes et jeunes filles qui eux, n’ont pas choisi et consenti à la prostitution. Déclarer que c’est un choix raisonné par certaines qui entre autre cherchent à vendre des livres ou se rendre intéressante car soit disant « ouverte » discrimine directement toutes celles qui n’ont pas choisi.
De plus, la prostitution confirme et consolide en permanence la définition patriarcale des femmes, dont la fonction première serait d’être au service sexuel des hommes. Quand elle dit qu’elle « plait aux hommes » N,est-ce pas là la preuve que sont action est fortement encouragé par ces principes patriarcaux? Le fait de déclarer que c’est un « choix » renvoit au principes de liberté individuelle. Soite, mais qu’elle est le fondement réel de ce choix? L’argent, point final. Alors, peut-on réellement confirmer qu’il y a un choix raisonné et complètement libre lorsqu’on sait que le but final est de faire de l’argent? Ferait-elle les même »choix » en choisissant cette »belle » profession si elle était payé au salaire minimum? Je ne crois pas. La vie nous demande de travailler. Pour elle c’est un travail. Mais est-ce qu’on doit considéré louable toutes formes de travail seulement parce que c’est un choix? Est-ce que tout travail est socialement acceptable même si il y a apparence d’acceptation de par l’individu? Je ne crois pas,… Si on agit ainsi avec l’industrie du sexe, alors on aurait pu défendre, de la même manière, l’esclavage en ne prêtant attention qu’aux quelques voix d’esclaves qui se déclaraient contents de leur sort.
D’ailleurs, « le terme »travail du sexe » présenté comme un choix professionnel rationnel renvoit à un refus généralisé de se consacrer à un examen critique ou de faire porter une responsabilité aux clients de la prostitution. Une position qui revient à défendre les pratiques et les privilèges sexuels masculins (Élaine Audet-Prostitution, perspectives féministes).
Il faut également faire attention aux mots car dans ce débat, tous les mots sont des pièges, particulièrement les concepts de « droit », de « libre-choix », de « travailleuses du sexe ». Plusieurs groupes d’ailleurs cherchent à prouver que les féministes qui sont contre la décriminalisation ou pire, la légalisation, ont des discours moralisateurs et les accusent de victimiser et stigmatiser les les femmes prostituer. Nul n’est là mon intention. Je crois sincèrement qu’on ne doit pas ignorer la réalité de la prostitution et venir en aide aux femmes prisent dans ce tourbillon matérialiste. Par contre, multiplier le droit de parole à une minorité satisfaite d’une acceptation de soumission sexuelle vient à banaliser la prostitution et fait promouvoir un discours biaisé et dangereux. Selon Marie-Victoire Louis (2003), « (…)toute référence à la « liberté » des personnes prostituées constitue une caution du système prostitutionnel et montre la vraie place qu’occupent les groupes pro-libéralisation du « travail du sexe », celle de la défense des intérêts du proxénétisme et des clients. Elle dévoile leur absence de position morale, expression de l’avant-garde des intérêts conjugués du patriarcat et du néo-libéralisme ».
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Isabelle N.
Je tiens à m’excuser publiquement auprès de Mélanie pour la mise en page ordinaire de son texte: je ne suis pas l’experte techno du blogue, notre chère Marianne a les deux mains dans les couches et en continuant mes expérimentations, j’ai peur de faire disparaître vos passionnants commentaires!
Mélanie, si tu veux nous soumettre des textes à nouveau, ça aura plus d’allure, promis!
Valérie, moi aussi les bras m’en sont tombés. On en apprend, des choses, sur ce blogue! 😉
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Melanie Robert
Isabelle,
Pas de trouble. Je comprends ça. Je compte effectivement écrire quelques articles. J’ai envie de creuser ce sujet. Par exemple, parler du film The girlfriend experience.
Merci de votre appuie.
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allaitersonconjoint
@ Valérie…toutes les réponses à tes questions ici.
http://allaitersonconjoint.wordpress.com/
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allaitersonconjoint
bon, peut-être n’avais-je pas répondu en bout de ligne…vous pourrez comprendre mon nom à la lecture de ceci:
http://allaitersonconjoint.wordpress.com/
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Jean-François
Ca me fait bizarre de dire ça pour un bouquin de ce genre mais… on parle de littérature, là. Si cette fille veut montrer une image positive de ce milieu, libre à elle. À plus forte raison parce que c’est une autobiographie: on peut décemment imaginer qu’elle sait de quoi elle parle. Elle enjolive sans doute, dans la veine de cette série (pourrie) des années 90 sur une journaliste new-yorkaise sexuellement libérée, bref… mais c’est une autobiographie. Ca signifie donc licence poétique ET, inévitablement, plaidoyer.
Faut pas tout mélanger. Autant je suis d’accord avec le fait que tout cela participe d’une certaine conception de blah blah… Ok. Mais si vous condamnez ce livre parce qu’il présente une image qui vous semble dangereuse d’une profession que vous désapprouvez, vous lâchez la liberté d’expression et de création au profit du politiquement correct, et vous encouragez la moralisation en art (comme ce faux journal intime d’une jeune droguée, qui a été écrit par une militante anti-drogue, en fait). Même si c’est sans aucun doute un énième produit de pur marketing sans âme, ça reste une œuvre d’art sur le principe, il faut donc en traiter comme tel.
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Marie-Élaine
@ Karine:
« […] je ne crois pas que le travail d’escorte puisse être comparé avec une exploitation sexuelle totale. La différence est le consentement. Je crois qu’une femme peut choisir, en dernier ressort souvent, le travail du sexe comme une solution à ses problèmes financiers.
En tant que féministe, je souhaite une décriminalisation de la prostitution pour des raisons liées aux droits de la personne voire une légalisation. Toutefois, je sais que les abolitionnistes ont beaucoup de place ces temps-ci dans certains milieux de femmes ce que je trouve franchement dommage. »
Pas grand chose à rajouter. Je voulais juste dire que je suis d’accord avec toi. (Pas entendu l’entrevue de Melody Nelson cependant, alors je ne peux pas me prononcer là-dessus.) Personnellement, je soutiens les femmes qui exercent le travail du sexe. Je suis contre la démonisation de cette profession, l’intimidation que vivent ces femmes et le peu, voire l’absence, de protection dont elles jouissent. Je suis du même coup contre toute forme de coercition et pour que l’on aide à s’en sortir toute personne faisant ce travail contre son gré.
Pour ce qui est de la légalisation par contre, je crois que ce n’est pas souhaité par la majorité des travailleuses du milieu? Juste parce que légalisation implique législation… et beaucoup de pratiques pourraient ainsi être interdites, balisées… ce qui n’aiderait pas les travailleuses en fin de compte. La décriminalisation est ainsi ce que la plupart d’entre elles – de ce que j’en sais – réclament.
Pour beaucoup plus d’informations et pour lire une perspective du travail du sexe par celles qui l’exercent et leurs alliéEs, le site web de Stella est une excellente ressource.
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Valérie
Stella? Hahaha. Le sociologue Richard Poulin a écrit un article à ce sujet, sur leur site Internet en fait. Il déplorait le fait que l’on retrouve plusieurs liens menant à des »entreprises » qui elles, étaient directement liées au crime organisé. Quelques semaines plus tard, ces liens étaient supprimés. Si c’était si beau que ça, la prostitution, pourquoi est-ce que c’est surtout des malfrats qui s’en chargent? Personnellement, quand je juge qu’une chose est belle et bonne, je souhaite la faire à mon tour. Et je la souhaite à ma soeur, à ma mère, à ma tante, à tout le monde. À quand un cours de Pipe 101 dans les cégeps?
Je le répète : comment pouvez-vous parler de »droits de la personne » quand le milieu de la prostitution en est un lié à la violence? Comment pouvez-vous parler de »droits de la personne » alors que partout où elles ont été banalisées, les industries du sexe se sont multipliées? On parle ici du »droit de faire de l’argent », c’est tout.
Quant à vous, Jean-François, avec votre discours sur la liberté d’expression, c’est vous qui faites du politiquement correcte.
En 2010, il est beaucoup mieux vu de revendiquer le droit de se prostituer (haha) que de revendiquer une société libre de prostitution. Les débats sur le blog de mamzelle l’ont bien démontrés.
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Melanie Robert
Jean-François,
Justement comme vous dîtes, licence poétique et inévitablement, plaidoyer. Pourrait-on parler de manifeste ici en quelque sorte ? Une sorte de Mein Kamp de la prostitution ? Je pose la question. Je ne suis pas une brûleuse de livres bien au contraire. Il s’agit seulement d’éveiller les consciences et de ne pas nous faire servir des salades à la radio d’état.
J’en ai beaucoup plus contre son discours pro-prostitution que sur son livre en fait. J’ai simplement dit sur mon blog que je n’achèterai pas ce genre de littérature. Car heureusement, on a le choix de ne pas lire ce truc. Par contre, si on le regarde la présentation, la couverture et la bande-annonce, j’imagine le genre de public auquel il s’adresse. Sous des couverts gentils, il y a quelque chose de glauque dans tout ça.
En ce qui concerne la légalisation de la prostitution, je vous lis et mes idées se raffinent. Je vais réfléchir et m’informer sur la question.
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Jean-François
On ne parle pas de la même chose, Valérie. Moi, quand je lis de la littérature, c’est pour le texte. Si je veux de la morale ou du débat de société, je me fournis ailleurs. Que je désapprouve qu’on critique ce livre parce qu’il promeut une image plus ou moins positive de la prostitution ne m’empêche pas, éventuellement, de critiquer la prostitution par ailleurs.
Je peux difficilement en dire plus, je n’ai pas lu le bouquin. Mais votre question est pertinente: est-ce qu’on est dans la pure autobiographie, avec une nana qui défend ses choix personnels, ou dans le manifeste, avec une prétention plus universelle? Là, faudrait jeter un œil au bouquin pour le dire ^^ Même si je n’aime pas qu’on cherche à moraliser la littérature, je suis tout à fait conscient qu’un livre a une influence sociale, bien sûr. Encore une fois, je tenais juste à rappeler qu’un livre ne se résume pas au message qu’il sous-tend (ou qu’on veut croire qu’il sous-tend).
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Sonia
@Jean-François
Je m’excuse mais je pense qu’on s’écarte du sujet là….Je veux bien admettre qu’un livre est un moyen d’expression mais toute forme de liberté est discutable lorsqu’il vient brimer celle d’une autre personne ou d’un groupe. Et c’est bel et bien là le problème (alors vive la morale) !!! En accordant plus de droit de parole à la minorité de personnes qui considère que la femme puisse être une marchandise que l’on vend contre de l’argent, c’est donné le droit de brimer la liberté des femmes de jouir d’une égalité de droit (et je dirais même d’être resecté comme humain et non pas comme simple marchandise). De plus, il est prouver que ce soit une minorité de prostituées qui affirmes ces propos [92% des femmes prostituées quitteraient la prostitution si elles en avaient les moyens-Recherche du Conseil du statut de la femme (CSF2002)]. Malgré tout, elles ont de plus en plus de temps d’antenne pour véhiculer leur opinion et c’est ça qui me dérange le plus. En effet, c’est beaucoup plus « sexy » d’avoir une ex-pute « heureuse » et pulpeuse qu’une ex-junkie qui s’en ai sortie ! Alors, dans ce bon vieu monde capitaliste prônant le paternaliste, on a bien le « droit » d’interviewer qui l’on veut ! On est dans un pays libre ! Mon œil ! Je suis lasse d’entendre la défense des libertés individuelles fondée sur ce fonctionnement arbitraire d’économie de marché !
Un moment donné y’a des limites à toujours sortir les pancartes de radio X !!! Demain je vais écrire un livre sur le plaisir de torturer des jeunes humains et que personne ne m’en empêche car c’est ma liberté !!! Mais j’y pense, ce n’est pas un bon sujet car je ne serais probablement pas sur les ondes radio ou invité à la télé car, c’est vrai, ça ne parle pas de cul alors,…pas profitable$$.
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Valérie
J’obsserve une chose récurrente dans les débats sur ce sujet : chaque fois, une personne sort l’argument de la liberté d’expression. Comme si le simple fait de pouvoir écrire quelque chose faisait en sorte que l’on ne pouvait le critiquer. Pourtant, quand on envoie des idées dans l’espace public, il faut s’attendre à les voir débattre. Le point n’a jamais été d’interdire à Chose d’écrire son livre, mais plutôt d’en questionner le propos.
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Sonia
Exactement Valérie! Vous avez bien compris mon propos et avez réussi à l’exprimer en quelques lignes! Merci 😉
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Valérie
Hahaha. Disons que ça se complète. Cette tendance à l’individualisation me pèse. C’est stérile, ça empêche toute réflexion et participation à un projet de société.
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Marie-Élaine
Bon, je n’étais pas au courant de la saga concernant les hyperliens sur le site de Stella. Je crois cependant qu’une telle polémique ne mine en rien cet excellent outil écrit par Maria Nengeh Mensah, prof à l’UQAM.
http://www.chezstella.org/stella/?q=14reponses
Voici d’autres textes avec une analyse similaire. Des ressources à lire.
http://cybersolidaires.typepad.com/ameriques/2010/03/le-feminisme-pute-en-15-points.html
http://www.cybersolidaires.org/prostitution/docs/droitdeparole.html
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Jean-François
Bon, j’aurais eu encore quelques réserves à émettre, mais je vous laisserai le dernier mot: « Je suis lasse d’entendre la défense des libertés individuelles fondée sur ce fonctionnement arbitraire d’économie de marché ! ». Je ne tiens pas à être l’idiot utile d’un marketing vaseux.
Accessoirement, il me semble assez vain de poursuivre le débat autour d’un livre que nous n’avons pas lu. Pour les points généraux, je ne doute pas que vous ne soutenez pas plus la censure que moi la prostitution, alors autant arrêter là.
Cordialement.
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Marie-Anne
J’ai quelques suggestions de lectures pour approfondir la réflexion sur la pornographie et la prostitution, notamment en ce qui concerne les arguments utilisés par les deux camps : sur la liberté d’expression et sur la dignité des personnes.
– Ruwen Ogien : Penser la pornographie, Éditions PUF
– Ruwen Ogien : La liberté d’offenser, Éditions Musardine
– Michela Marzano : Malaise dans la sexualité, Éditions JC Lattès
– Michela Marzano : La pornographie ou l’épuisement du désir, Éditions Buchet-Chastel.
Évidemment, on trouve en ligne des articles de ces deux auteurs, mais je laisse le soin à chacun.e.s d’entre vous de les trouver !
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Valérie
Et je rajouterais l’oeuvre entière de Richard Poulin, qui a l’avantage de renvoyer à des faits précis tout en faisant des liens entre les différentes factions des industries du sexe.
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1intermission
1redound
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Mélodie
Je suis tombée sur ce billet hier. Plus de dix ans après la publication de mon livre.
Aucun client ne m’a jamais appelée Chose.
Ni sur un forum, ni dans un lit, ni au restaurant, ni dans un courriel.
Aucun client ne m’a appelée Chose.
La seule personne qui le fait ici – et qui m’amène alors au rang d’objet – est une femme féministe.
Ça en dit beaucoup. Trop.
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