La transphobie, un problème québécois? Regard sur notre province pour la Journée Internationale contre l’homophobie et la transphobie

La nouvelle campagne publicitaire de la Fondation Émergence pour la Journée Internationale contre l’homophobie et la transphobie place l’accent sur l’homophobie et la transphobie hors-Canada. Cette campagne publicitaire est soutenue par des résultats de sondage sur la perception des droits LGBTQIA2S+ à l’international. Le message, c’est qu’au Québec tout est relativement bien et que la lutte devrait se faire dans les autres pays.

Clairement, il y a du vrai dans l’idée que la discrimination est un enjeu probant dans certains pays. Le Québec est loin d’être la pire juridiction et aider les organismes activistes d’ailleurs est important. Toutefois, je crois que cette campagne publicitaire envoie un message trompeur sur l’état de la situation au Québec et contribue à la déculpabilisation du public face à des enjeux probants à même notre province. Le Québec n’est pas aussi invitant qu’on le croit.

Des expériences personnelles

Pour la Journée Internationale contre l’homophobie et la transphobie, on se doit d’inviter une réflexion sur la discrimination au Québec. Pour se faire, je vais raconter quelques des choses que j’ai pu voir dans les deux dernières années au Québec en tant que personne transféminine. Étant blanche, économiquement privilégiée et éduquée, c’est un regard contenu… qui est pourtant désolant.

Des ami·e·s se sont fait expulser d’endroits publics, parfois violemment, pour avoir utilisé les toilettes. D’autres se sont fait maltraiter et harceler par la DPJ et se sont fait annuler des prescriptions de médicaments essentiels sous faux prétextes. Un·e ami·e et moi nous sommes fait traiter de transfolle par une personnalité importante des milieux LGBT+. Je me suis fait harceler un nombre incalculable de fois par des hommes cis—non trans—qui voulaient coucher avec moi. Une amie a été sujette à des thérapies de conversion. D’autres se sont fait expulser de groupes de maquillage à cause de sa transitude. Un groupe néo-Nazi armé de couteaux a tenté de partir des batailles dans des espaces pro-trans. Trois femmes trans et un homme cis gay se sont fait attaquer au centre-ville. Une femme racisée s’est fait agresser physiquement dans un espace LGBT. Deux personnes de mes cercles sont mortes de suicide en partie à cause de harcèlement. Une femme trans travailleuse du sexe, Sisi Thibert, a été victime de meurtre à Pointe-St-Charles. Les personnes qui ont rapporté des événements à la police se sont faire rire au visage. Je me suis fait fréquemment crier « faggot » d’un ton agressif dans la rue. Je me suis fait lancer des objets. J’ai reçu une menace de mort. Je me suis fait dire que les gens comme moi méritent de se faire violer et ou tuer. Je me suis fait refuser de publication parce que mon existence même n’est pas considérée assez appropriée pour un lectorat familial. Mon droit au respect a aussi été débattu une douzaine de fois dans les trois derniers mois dans les grands médias québécois. Je ne parlerai même pas des commentaires déshumanisant passés en public, toujours assez fort pour que je les entende… Et que dire des commentaires sur mes articles!

Les statistiques ne mentent pas

La situation au Canada n’est pas rose pour les personnes trans. Une étude Ontarienne a rapporté que la transphobie est une expérience quasi-universelle chez les personnes trans, 98% d’entre elles ayant déjà vécu un événement transphobe. Ces expériences incluent des agressions physiques (26%), un refus d’emploi (39%), et du harcèlement policier (24%). Plus de 54% des canadien·ne·s ne pensent pas que les personnes trans devraient utiliser les toilettes correspondant à leur identité de genre.

Chez les personnes trans racisées, qui vivent de la discrimination raciale et transphobe, ces facteurs sont encore pires. Ces expériences ont notamment un impact sur la séropositivité. Chez les personnes trans autochtones, dont plusieurs s’identifient comme bispirituel·le·s, plus de 73% rapportent de la violence transphobe et 61% rapportent un manque d’accès aux soins de santé dans la dernière année. Le racisme et le colonialisme canadien a un impact sérieux sur la qualité de vie des personnes trans racisées, impact qui est à son pire chez les personnes trans noires et autochtones.

Le genre des personnes non-binaires—qui ne sont ni hommes, ni femmes—n’est pas encore reconnu par le gouvernement québécois, malgré des avancées dans d’autres provinces.

La situation est encore pire pour les personnes trans migrantes qui ne peuvent pas changer leur nom et mention de sexe sur le certificat de naissance avant d’avoir la citoyenneté, ce qui peut facilement prendre de 7 à 10 ans. Comme le dit D. T. : « Avant de promouvoir les droits LGBTQ à l’international et de revendiquer un quelconque leadership, il me semble important que le Québec reconnaisse au plus vite cette incohérence et prenne les mesures nécessaires pour la corriger sur son propre territoire. »

Il y a beaucoup à faire au Québec. La transphobie est aussi québécoise que la poutine, mais tellement plus dangereuse. Pour la Journée Internationale contre l’homophobie et la transphobie, parlons de l’homophobie et de la transphobie au Québec et dirigeons notre regard vers le futur. Des solutions existent, il ne faut que prendre le temps de parler aux communautés concernées.

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